2°) La désintégration sociale dans le modèle urbain saint simonien

A l’opposé, le scénario saint simonien implique une action importante de l’Etat qui entretient une forte rente foncière dans le centre grâce à de grosses infrastructures de transport collectif qui subventionnent la mobilité (RER, métros lourds). La vie économique devient alors toujours plus dépendante d’infrastructures lourdes toujours plus rapides, dépendance qui en amène une autre aux besoins d’interventions publiques pour financer ces investissements. Nous retrouvons le cercle vicieux d’une croissance de l’intervention publique politiquement incontrôlable.

La ségrégation sociale, résultante de comportements individuels dans le scénario californien, est ici conséquence des politiques publiques de forte ségrégation spatiale entre le centre (activités culturelles, tertiaires, habitat de luxe) et la périphérie (Dans « la banlieue, « l’habitat se conçoit en grande masse, soit en collectif pour les catégories modestes, soit en lotissements pour les classes moyennes 388  ».) Dans le centre la concentration d’investissements, d’activités entraîne une vie sociale culturellement riche, diversifiée, mais politiquement pauvre, voire inexistante. Dans la périphérie, la vie sociale et politique est abandonnée à un individualisme croissant. « La desserte des « grands ensembles », où s’est rassemblée une part importante des catégories sociales défavorisées, est parfois rendue difficile par les phénomènes de vandalisme et d’insécurité 389  ».

La conjonction d’une dislocation de la vie sociale avec une intervention publique forte, centralisée et croissante conduit à accentuer la distance entre les décisions politiques et les individus. Notamment, le centre, de facto lieu de vie pour l’ensemble de l’agglomération, n’est contrôlé politiquement que par ses habitants, qui sont rarement représentatifs des habitants de toute l’agglomération. Réciproquement, les habitants de la périphérie sont peu intéressés par la vie politique de villes de banlieues « dortoir ». Cette distance entre le citoyen et l’élu favorise l’individualisme, le repli sur soi, le désintérêt croissant pour la politique et la disparition de la citoyenneté. Le scénario saint simonien illustre un autre aspect de l’externalisation des valeurs sociales. Là ou le scénario californien livre le destin de la société à la régulation marchande, le scénario saint simonien donne les pleins pouvoirs aux experts, planificateurs, technocrates, qui définissent le « bien public » au dessus des citoyens et surtout sans leur demander leur avis.

Notes
388.

rapport INRETS p. 61.

389.

rapport INRETS p. 63.