Section III3- L’internalisation par participation des citoyens aux choix d’infrastructure

Emile Quinet (1995) 396 montre que les choix de transports résultent de résultats de compromis entre différents acteurs institutionnels (collectivités, entreprises publiques, administrations, lobbies) et non pas d’une politique des transports digne de ce nom. En fait, il nous paraît clair que la cause de cette absence de politique des transports n’est pas due en soi à un processus d’intervention de différents acteurs institutionnels, nécessaire, mais bien de l’absence d’intervention de l’acteur institutionnel principal, le citoyen !

Cette absence de participation des citoyens aux choix d’infrastructure en France est manifeste, comme le révèlent les procédures de consultation sur les grands projets. Le cas de la consultation sur le projet de Grand Canal Rhin - Rhône est à ce sujet caractéristique des pratiques françaises. La mission du préfet François Lépine consiste à permettre aux habitants des départements concernés « de s’exprimer sur les modalités de mise en place et de réalisation du Grand Canal ». Mais la consultation ne devra pas porter « sur l’utilité publique du projet qui, ayant été déclarée, n’est pas en cause dans la présente procédure. (...) Elle ne devra pas davantage porter sur le mode de financement de cet équipement qui a été arrêté par le législateur ». De plus, « la consultation ne doit pas avoir pour conséquence de retarder le déroulement des opérations » 397 . Une telle parodie de consultation illustre à merveille la valeur dérisoire qu’accordent les administrations publiques françaises aux avis que peuvent apporter les citoyens sur les grands projets d’infrastructure.

Pourtant, comme nous l’avons mis en relief dans notre analyse du développement durable, la valorisation des préférences sociales des individus nécessite certes pas que le citoyen se substitue au décideur politique, mais qu’il joue son rôle irremplaçable d’enrichissement, de force de rappel, de recours face à des décideurs publics qui n’ont pas le monopole de la compétence, comme le précise Tocqueville. C’est ce que nous allons mettre en relief dans le domaine des choix d’infrastructures de transport.

Notes
396.

QUINET, Emile (1995), Vers une politique des transports ? Futuribles, mars 95.

397.

Extraits de la lettre de mission au préfet François Lépine, cosignée par Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Etat au transports, et par Corinne Lepage, ministre de l’environnement en février 1996, cités dans le Moniteur du 8 mars 1996, n°4815.