2°) D’inévitables choix « de structure »

Aujourd’hui, il est clair que le développement économique, contraint dans un environnement fini, génère des conflits d’usage croissants pour des biens naturels devenant rares : le silence, l’air pur, les ceintures vertes autour des villes, les espaces naturels riches... Ces conflits d’usage appellent de plus en plus des régulations publiques. Face à de tels conflits, les autorités publiques sont amenées à des choix qui tranchent l’indétermination en se fondant sur une rationalité qui est beaucoup plus large que la simple rationalité économique : cette rationalité intègre en effet tout un ensemble de considérations complexes, contradictoires, dont la confrontation démocratique doit en principe permettre l’émergence des préférences collectives. Ces choix obéissent ainsi à des « préférences de structure » pour reprendre les termes de Jean Weiller (1989) 422 . Les termes de « préférences de structures » sont certes utilisés par cet auteur pour caractériser les préférences de politique nationale des Etats dans le commerce international, mais ces termes nous paraîssent tout aussi bien adaptés plus généralement à l’ensemble des préférences et choix politiques relatifs aux structures sur lesquelles se développe toute activité économique : structures institutionnelles, juridiques, règlementaires, spatiales, physiques (infrastructures).... Nous garderons cette appellation de choix et préférences « de structure » par la suite.

Effectivement, face aux limites, incertitudes et indéterminations d’une approche fondée sur la recherche d’une maximisation d’inputs marginaux, les choix « de structure », agissant de façon macro-économiques pour réguler les outputs d’une production sont inévitables. Nous avons dans notre deuxième partie mis en relief le caractère indéterminé des buts sociaux (utilités à maximiser), et l’importance de la méthode de leur valorisation comme choix social premier. C’est finalement l’importance accordée à la méthode, c’est-à-dire à une rationalité procédurale, et non pas l’espérance d’une meilleure maximisation du bien être qui milite en faveur de choix de structure macro-économiques. Une méthode qui se voudrait démocratique a toutes chances d’échouer, si elle se fonde sur une valorisation micro-économique de tous les inputs d’un problème socio-économique. Technique, complexe, elle ne serait finalement maîtrisée que par les seuls détenant du savoir, conduisant les individus à l’anomie. Un choix réaliste de la démocratie implique de poser les alternatives non pas sur une multitude d’inputs inintelligibles, mais sur des structures globales, de façon certes simplifiante, mais permettant une valorisation des préférences engageant la participation du plus grand nombre. « Quel niveau de dépendance à l’énergie nucléaire ?», « quel objectif de réduction des émissions de CO2 à tel ou tel horizon ?», « quel place pour l’automobile dans les villes ? », voilà une série d’exemples qui appellent des débats et ne peuvent être tranchés démocratiquement que par des choix politiques de structure.

Le choix de structure global vis à vis d’une situation économique appelant une régulation publique est ainsi nécessaire et légitime dans tous les cas de figure ou la complexité des phénomènes en jeu ne permet pas à la collectivité d’intervenir marginalement sur tous les inputs de façon exhaustive. Effectivement, on peut observer notamment face à l’environnement que les choix de structure existent et sont nombreux :

  • sur le nucléaire, « choix » de dépendance forte en France, choix de moratoire en Allemagne, choix de sortie progressive en Suède... ;
  • sur les transports, choix d’interdiction du transit routier en Suisse, choix d’affectation de la voirie dans les villes (interdiction de circuler dans certains centre-villes, sites propres...), choix de remise à niveau du réseau ferroviaire en Allemagne...

Nous choisissons ainsi une démarche économique qui accepte ces choix de structure politiques non seulement comme légitimes mais aussi comme nécessaires.

Notes
422.

WEILLER, Jean (1989), Economie internationale, hier et aujourd’hui, Bibliothèque de l’I.S.M.E.A.