I2.1 Saturation, coût d’évitements à rendements croissants et externalités pécuniaires

Le choix de structure se traduit économiquement par la combinaison d’investissements publics et de phénomènes de saturation. Ces choix de structure, qui tranchent l’indétermination économique, peuvent être des choix d’investissement (entreprises de dépollution), ou des choix de rationnement (air pur). Par exemple, supposons que l’on se place dans un marché de deux biens partiellement substituables A et B, correspondant à un « marché de l’évitement » tel que nous l’avons introduit en première partie. A est un bien source de nuisances, dont la production se heurte à des résistances sociales croissantes. B, au contraire, est un bien recueillant une forte préférence sociale, dans la mesure ou sa production représente une production d’évitement de A et de ses nuisances. La collectivité, face à une telle situation fait des choix globaux de structure qui tendront d’une part à freiner la consommation A et d’autre part à encourager la consommation de B.

Pour freiner la consommation de A, la collectivité peut rationner sa production à travers le maintien d’un sous-investissement chronique. Cet état de sous-investissement conduit à des coûts de production de A à rendement décroissant. Si le rationnement n’est pas économique, mais physique (file d’attente), le prix pour le consommateur égal au coût moyen est inférieur au coût marginal. Nous touchons là aux externalités pécuniaires sous l’angle de la congestion.

Pour encourager la consommation de B, la collectivité peut mettre en place des investissements qui faciliteront sa production future. Ces investissements pour être capables d’amorcer un processus de croissance, peuvent être importants. Précédant la demande, ils amènent des coûts de production à rendements croissants du moins en première période, où le coût marginal de production est inférieur au coût moyen. Nous sommes bien dans le cas d’un coût d’évitement d’une externalité à rendement croissant. Ces investissements nous ramènent aux externalités pécuniaires, comme le précise Claude Jessua (1968) 428  : « Dans toutes les discussions, l’on voit que les économies externes pécuniaires ont été essentiellement invoquées par rapport à des problèmes d’investissement ».

Notons que dans le cadre d’une activité de protection de l’environnement, ces rendements croissant peuvent perdurer sur longue période par effet de synergie entre les différentes mesures de protection (d’autant plus efficaces qu’elles sont combinées), de même que par effet de renforcement de la demande de protection. Ces deux effets correspondent à un effet réseau ou externalité de réseau ainsi définie par Katz et Shapiro (1986) 429  : « Il y a externalité de réseau lorsque le bénéfice d’un agent dépend de sa capacité à prendre une décision selon le nombre d’agents confrontés au même type de décision, et qui prendront la même décision que lui. » Cette définition « se distingue du cas d’externalités technologiques (...) mais se rapproche des externalités pécuniaires dans la mesure où l’on peut considérer que des consommateurs portés en nombre vers un produit constituent une part de marché suffisamment importante pour inciter à une production massive, porteuse de coûts décroissants ».

Notes
428.

JESSUA, Claude (1968), Coûts sociaux et coûts privés, Paris, Presses Universitaires de France, p. 153.

429.

KATZ, SHAPIRO (1986), Technology Adoption in the Presence of Network Externalities, in Journal of Political Economy, vol. 94, pp. 822-841, commenté par DELVERT, Karine (1994), Archéologie des effets externes, mémoire de maîtrise d'analyse économique sous la direction d'Yves Crozet, Université Lumière Lyon2, pp. 14-15.