I2.3 Externalité pécuniaire « de structure » et sens social de la congestion et des surcapacités de transport

Si un mode de transport est en situation de sous-investissement en infrastructures qui se traduit par de la congestion, cette situation représente une « externalité pécuniaire de structure » égale au niveau du péage économique qu’il faudrait mettre en place pour supprimer cette situation de sous-capacité. Notre approche revient non plus à traiter cette sous-capacité comme un signe de mauvaise gestion, mais bien au contraire à donner un sens social à la congestion. L’externalité pécuniaire de congestion d’un mode de transport sur la collectivité est ainsi interprétée comme un coût d’opportunité révélant un saturation sociale face à l’accueil de nouvelles infrastructures de ce mode à rendements décroissants, et la volonté implicite de favoriser d’autres modes de transport.

Insistons sur la différence entre cette interprétation de la congestion et celle couramment admise : dans la théorie marginaliste, la congestion est due à un mauvais dimensionnement des infrastructures ainsi qu’à un mauvais système de tarification, qui conduisent à d’énormes pertes pour la collectivité. Cette interprétation amène en fait à un jugement de valeur implicite ou explicite sur les institutions et les décisions politiques, incapables de « bons » choix « rationnels » en matière de politique des transports. Cette approche marginaliste de la congestion revient à nier toute légitimité sociale au problème de la résistance des populations à l’accueil de nouvelles infrastructures.

Notre point de vue est au contraire de reconnaître que, s’il existe un décalage entre le rythme de construction de nouvelles infrastructures et le rythme d’évolution de la demande, ce décalage révèle plus fondamentalement un conflit de préférence entre le consommateur qui souhaite toujours plus de mobilité, et le citoyen, qui prend de plus en plus conscience de la menace de dégradation de qualité de vie que représente pour lui l’extension des infrastructures. Comme le précise Yves Crozet (1994) 431 , « tant que la congestion est socialement acceptée, cela signifie implicitement que le coût d’extension des voiries routières est jugé exorbitant ». Le coût de congestion n’est en se sens plus une perte nette pour la collectivité. C’est un coût d’opportunité collectivement préféré à une extension des infrastructures, extension qui serait socialement encore plus coûteuse que le mal à guérir.

Réciproquement si un mode de transport est caractérisé par des trafics insuffisants pour équilibrer les comptes d’infrastructure, ce déficit peut certes être lié à une mauvaise gestion, mais aussi être un coût d’opportunité révélant la préférence sociale pour ce mode de transport. Ce déficit représente une « externalité pécuniaire de structure » égale au niveau de la subvention qui serait nécessaire à un équilibre des comptes. L’acceptation de couverture du déficit révèle une véritable volonté politique de maintien de ce secteur d’activité à rendements décroissants.

Notes
431.

CROZET, Yves (1994), La mobilité en milieu urbain : de la préférence pour la congestion à la préférence pour l'environnement, LET, ADEME, Ministère de l'Environnement, p. 94.