2°) Cas ou les externalités deviennent importantes

Le problème d’une allocation optimale des ressources fondée sur les principes de concurrence se pose lorsque l’on se trouve en présence d’un marché où la concurrence est déséquilibrée. Le modèle néoclassique montre que l’allocation est sous optimale si deux activités sont mises en concurrence alors que l’un génère plus de coûts externes que l’autre. Prenant exemple sur le cas de la concurrence rail/route, J.E. Meade (1955) 434 montre comment une politique d’optimisation du seul mode routier, « loin d’augmenter le bien être social, (...)ne fera que le réduire en induisant le gaspillage [en encourageant les transferts de trafics vers le mode socialement le plus coûteux] ». Seule une internalisation de ces coûts externes pourrait permettre de corriger cette sous-optimalité. Mais quelle démarche adopter si une évaluation optimale de ces coûts externes se révèle inaccessible (effets complexes, importants, incertitudes et controverses fortes) ? L’existence d’externalités dont on ne peut connaître le coût optimal ne permet pas d’envisager l’existence d’un optimum issu d’une concurrence entre deux activités dont l’une est jugée plus avantageuse que l’autre.

En fait, dans tous les cas où les coûts externes, sans être connus, sont jugés importants, voire dominants dans la composante du coût social global, l’approximation de la réalité par le modèle néoclassique nécessite de telles prises de positions normatives sur la valeurs des externalités, que la vision analytique proposée prend une pertinence incertaine, douteuse, et finalement sujette à toutes les manipulations possibles. C’est lorsque les externalités deviennent très importantes que le recours à des choix de structure devient fondamental : dans un tel cas, non seulement le modèle marginaliste s’écarte fortement de la réalité et peut amener à des indéterminations (coûts d’évitement à rendement croissant), mais aussi, et surtout, l’enjeu devient tel qu’il doit être tranché au niveau politique.

Notes
434.

MEADE, J.E. (1955), Trade and Welfare, vol.II de The theory of international economic policy, Oxford University Press, p.9, cité par VIANES p. 174.