1°) Le cas des infrastructures de transport en général

Dans son chapitre consacré à la présentation de la théorie de l’allocation optimale des ressources, le « rapport Allais » (1964) 435 s’attache à faire une distinction dans les transports entre le secteur différencié, et le secteur non différencié. « Le premier correspond aux activités pour lesquelles la meilleure technique de production résulte de la juxtaposition d’unités de production différentes, le second aux productions pour lesquelles cette condition n’est pas remplie (La délimitation de ces secteurs ne peut pas être faite une fois pour toutes, elle peut être modifiée sous l’influence par exemple du progrès technique) ». De façon simplifiée, on peut dire pour les transports que les infrastructures correspondent plutôt au secteur non différencié (rendements croissants, indivisibilités marquées...), alors que la fourniture des services de transport une fois que les infrastructures existent correspond plutôt au secteur différencié (rendements décroissants, plus grande divisibilité). Pour les chemins de fer, on notera cependant que la fourniture des services fait plutôt partie du secteur non différencié (possibilité de rendements croissants en fonction du niveau d’offre dus aux « effets réseaux », divisibilité difficile à l’intérieur de l’entreprise ferroviaire).

La conséquence principale de l’existence de rendements croissants dans le secteur non différencié est l’existence d’un déficit d’exploitation. La couverture par L’Etat de ce déficit d’exploitation peut conduire le producteur de l’infrastructure à relâcher ses efforts de minimisation des coûts, ce qui entraîne un écart au principe d’allocation optimale des ressources. Ce cas de figure rencontre en fait un conflit d’objectifs entre la parfaite orientation de la demande et la correcte responsabilisation des gestionnaires. Face à un tel conflit d’objectif, la théorie marginaliste ne peut être appliquée rigoureusement. Les choix d’infrastructure, de même que les choix de niveau de service de transports collectifs, obéissent ainsi à des choix « de structure », qui suivent des rationalités multiples de politique économique, d’aménagement du territoire, d’environnement.

Ainsi, seul le secteur différencié ne nécessite pas de choix « de structure », et peut être analysé de façon suffisante par la théorie du bien être limitée aux externalités technologiques. Cette distinction du secteur diférencié conduit le « rapport Allais » à ajouter : « il existe des raisons économiques fondamentales de considérer séparément l’infrastructure et les services de transport, non seulement sur le plan de la théorie économique pure et appliquée, mais aussi et surtout sur le plan des modalités pratiques 436  ». La directive 91-440, qui propose pour les réseaux ferroviaires européens une séparation au moins comptable entre infrastructure et exploitation, s’inscrit ainsi dans la droite ligne des conclusions du rapport Allais.

Notes
435.

ALLAIS, DEL VISCOVO, DUQUESNE de la VINELLE, OORT et SEIDENFUS, (1964), Options de la politique tarifaire dans les transports, CEE, première partie, p. 11.

436.

première partie, pp. 42-43.