II1.3 La complémentarité de l’internalisation des externalités technologiques « élémentaires » et des externalités pécuniaires « de structure »

Le premier chapitre nous a amené à montrer dans quelle mesure existe une complémentarité entre les théories des externalités technologiques marginales des externalités pécuniaires de structure. Nous avons vu que cette complémentarité n’autorisait cependant pas l’ajout des externalités technologiques « élémentaires » et des externalités pécuniaires « de structure » dans la mesure où ces deux externalités représentaient deux façon différentes de traduire les mêmes coûts externes d’une activité nuisante. Par contre l’internalisation peut et doit intégrer les deux externalités technologiques et pécuniaires.

En effet, si l’internalisation des externalités technologiques « élémentaires » est insuffisante, nous avons insisté en première partie sur le fait que cela n’enlève rien à son intérêt, en évoquant notamment l’exemple suédois d’internalisation. Elle mérite simplement d’être complétée. Supposons qu’une analyse parallèle des interactions non marchandes marginales et des choix de structure amène à identifier un certains nombre d’externalités technologiques « élémentaires » et externalités pécuniaires « de structure ». Le fait que le bilan de ces deux types d’externalités ne soit pas additif n’enlève pas la possibilité d’internaliser en premier lieu le maximum d’externalités technologiques identifiées (normes techniques, tarification). Cette première étape indispensable est certes insuffisante, mais en internalisant le maximum possible par la logique décentralisée du marché, elle réduit d’autant l’importance des externalités pécuniaires « de structure ». L’internalisation de ses dernières permet finalement d’apporter le complément qui garantit la convergence du marché vers les choix politiques, et par la suite la convergence du marché et des choix politiques vers les préférences sociales.

Nous pouvons finalement représenter cette internalisation à deux dimensions (marginale et globale) qui vient compléter l’internalisation politique de la façon suivante.

Ce schéma se lit de la façon suivante : l’internalisation « élémentaire » du maximum d’externalités technologiques identifiées est nécessaire, mais insuffisante. Elle amène ainsi à une première convergence des choix marchands vers les satisfactions sociales qui diminue d’autant la divergence entre choix marchands et choix politiques (flèche qui rapproche les choix marchands vers les satisfactions sociales). Les internalisations politique et économique « de structure » sont représentées à l’identique du schéma précédent, les numéros 1 et 2 correspondent respectivement à :

1: « faire sentir à l’individu consommateur le coût des préférences des citoyens » ;

2: « faire sentir aux décideurs politiques les implications économiques de leurs choix ».

Ce schéma permet d’illustrer un certain nombre d’éléments :

1°) dans le cas où les choix de structure sont importants, l’internalisation des seules externalités technologiques est loin de suffire à la convergence vers les satisfactions sociales ;

2°) le règlement partiel du maximum de divergences par une internalisation des externalités technologiques identifiées diminue d’autant l’importance des externalités pécuniaires « de structure » ;

3°) dans le cas d’école limite où l’on pourrait identifier la totalité des externalités technologiques, et où le choix politique correspondrait pile aux satisfactions sociales, les externalités pécuniaires « de structure » sont nulles.

En ce qui concerne l’internalisation des coûts externes dans les transports, notre démarche nous amène à rejoindre le constat de Antony Perl et J-D Han (1994) 449  : « Even if particular monetary value is obtained through a series of cost-benefit calculations, it constitutes only part of the charge needed to achieve sustainable traffic volumes ». Une première internalisation du maximum d’externalités technologiques des transports est certes nécessaire, mais elle ne saurait suffire. « Instead of labouring on increasingly sophisticated marginal cost pricing models, it appears more reasonable to devote resources to establishing public health tresholds for sustainable traffic volumes and then calibrating the relevant price structure needed to achieve that level of automobility.Par la suite, plutôt que de rechercher des modèles de tarification toujours plus complexes, il est effectivement plus raisonnable de rechercher des principes d’internalisation fondés sur des choix de structure relatif aux volumes de trafics socialement acceptables, ce qui revient à notre principe d’internalisation d’une externalité pécuniaire « de structure ». Une telle approche n’est pas seulement plus raisonnable, elle est aussi plus modeste et plus pertinente dans le sens où elle ne conduit pas l’économiste à se substituer au décideur politique qui doit arbitrer entre mobilité automobile et environnement : « the challenge facing policymakers is thus to formulate the environmental objectives that can guide economic analysis more effectively than an unaided Pigouvian approach to automotive pricing ».

Notes
449.

PERL A., HAN J-D (1994), Automotive Pricing and Sustainable Mobility, paper for the Ecomove Conference on Land-Use, Lifestyle and Transport, Kassel, Germany, May 25-27, 1994, pp. 4-6.