III2.2 L’externalité pécuniaire « de structure » des politiques de subvention du transport ferroviaire de marchandises dans le cadre de baisse des prix routiers

Nous avons évoqué les grands projets ferroviaires européens visant à développer une alternative au transport routier, notamment pour le transit alpin. Nous avons insisté sur le fait que ces projet colossaux demanderont une intervention publique importante du fait de leur faible rentabilité à court terme. En ce sens, ils représentent une forme de subvention publique à la mobilité des marchandises. Plus généralement, le soutien public au transport ferroviaire de marchandises peut représenter une « externalité pécuniaire de structure » si ce soutien public s’accompagne parallèlement d’une politique de baisse des prix du transport routier. Effectivement, la déréglementation du transport routier de marchandises, initiée dans la Communauté Européenne depuis 1986, non accompagnée ni de mesures d’internalisation des coûts sociaux, ni de mesures de libéralisation parallèle dans les autres modes de transport a conduit à une baisse des coûts du transport routier sans précédent en Europe, et à des transferts massifs du transport ferroviaire sur le transport routier. On peut interpréter ces transferts comme une conséquence non désirée d’un processus d’optimisation modale. Ainsi, prenant exemple sur le cas de la concurrence rail/route, J.E. Meade 478 montrait, déjà en 1955, comment « loin d’augmenter le bien être social, une telle politique [d’optimisation du seul transport routier] ne fera que le réduire en induisant le gaspillage [en encourageant les transferts de trafics vers le mode socialement le plus coûteux] ».

Cette optimisation modale génère en fait une externalité pécuniaire « de structure » qui peut être schématisée de la façon suivante :

Cette « externalité pécuniaire de structure » correspond à un subvention généralisé de la mobilité des marchandises qui conduit finalement à annuler tous les effets positifs que pourrait avoir le soutien des chemins de fer. Une telle externalité pécuniaire « de structure » représente une « erreur » politique non durable. Si le transport ferroviaire de marchandises perd des parts de marché, la baisse de l’utilisation des infrastructures ferroviaires avec fermeture de lignes induit une réduction des aires de marché et accélère l’inadéquation du ferroviaire au marché. La rentabilité du transport ferroviaire de marchandises baisse, et l’augmentation des parts de marché routières induit des coûts environnementaux croissants. Face à celà, si la réaction politique se limite à des subventions qui couvrent les déficits du transport ferroviaire de marchandises sans s’attaquer aux prix routiers, elle subventionne globalement la mobilité des marchandises sans véritable efficacité et à des coûts budgétaires et environnementaux exponentiel.

Notes
478.

MEADE, J.E. (1955), Trade and Welfare, vol.II de The theory of international economic policy, Oxford University Press, p.9, cité par VIANES p. 174.