III2.4 Les externalités pécuniaires de structure des politiques d’infrastructures d’aménagement du territoire

1°) Les externalités pécuniaires de structure des politiques d’aménagement du territoire dans le cadre de subventions à la centralité

Nous avons vu que sortir de la logique de concentration impliquait des transferts du centre vers les secteurs géographiques excentrés. Cependant, ces transferts ne peuvent être efficaces que s’ils s’inscrivent dans un volume d’intervention public constant : Autrement dit, une orientation de la demande économique et sociale décentralisatrice doit être liée à un certain niveau de sous-investissement public dans le centre, et un certain niveau de surinvestissement public dans la province.

Or, du fait la présence des pouvoirs de décision dans le centre, c’est le contraire que l’on observe, avec une tendance au surinvestissement public dans le centre : en ce qui concerne les transports à Paris, on peut ainsi noter la forte concentration d’investissements lourds (métro automatique METEOR, RER...) qui contraste avec le manque de moyens dont disposent les villes de province. Les investissements dits « d’aménagement du territoire » ne constituent finalement que des mesures d’accompagnement du centralisme. Le thème de « l’aménagement du territoire » représente alors un alibi pratique pour justifier tous les projets de province surdimensionnés par rapport aux demandes économiques et sociales.

Ainsi, un ministre de l’intérieur qui se porte en fer de lance de l’aménagement du territoire, peut tout en même temps mettre en avant un projet de voiries souterraine complètement lié aux logiques de concentration. De même, lorsque la direction des routes met en avant un schéma directeur soit disant équilibré sur l’ensemble du territoire, cela ne l’empêche pas de maintenir les projets de deux nouvelles autoroutes centrées sur Paris (A16 et A5, près de 300km au total) que les gouvernement parisiens ont programmées et réalisées à une vitesse record (début des travaux en 1992-93, ouverture en 1993-95). A titre de comparaison, et pour bien mesurer la puissance des forces centralisatrices parisiennes, on peut noter à titre d’exemple qu’une autoroute transversale, l’A64 Toulouse-Bayonne (environ 300km également) est réalisée par phases depuis la fin des années 1970 et ne sera terminée qu’à la fin de 1996...

En fait, si l’on commence à voir apparaître l’amorce de réactions visant à sortir de la logique du développement de la circulation routière, on est loin d’une telle réaction en ce qui concerne la concentration parisienne. Les choix politiques soit disant « d’aménagement du territoire » ne constituent finalement pas des transferts, mais des subventions nettes à la mobilité en province, qui ne remplacent pas, mais accompagnent les subventions à la mobilité dans le centre.

Ces « subventions » sont des « erreurs » dans la mesure où de tels choix politique d’aménagement du territoire sont des demi-mesures qui sous-estiment les forces centralisatrices, et surestiment les dispositions économiques et sociales aux délocalisations :

Ainsi, les externalités pécuniaires « de structure » des politiques d’aménagement du territoire conduisent à des options toujours plus coûteuses (économiquement et écologiquement, ex : A 75, A51...), et toujours plus inefficaces à lutter contre la centralité.

En fait, une véritable politique d’aménagement du territoire consisterait à internaliser ces externalités pécuniaires « de structure » : cela conduirait beaucoup plus à stopper les surinvestissements et subventions publics dans le centre, qu’à justifier des projets démesurés en province. Mais ce phénomène de demi-mesures politiques est si profondément encré dans la culture française que l’on peut être pessimiste pour l’avenir. Une véritable politique qui chercherait à stopper la croissance parisienne demanderait un transfert important des ressources produites par la région parisienne vers les régions, suivant un système de péréquation de type fédéral. Il faudrait réguler la demande par une augmentation très nette des prix de transport et renoncer à certains projets de transports routiers et collectifs qui visent à fluidifier la mobilité parisienne, qui ont nécessairement pour effet d’encourager la concentration. Les forces de polarité sont si importantes que pour conduire à un véritable mouvement de délocalisation, il faudrait augmenter les prix de la mobilité à un point suffisant pour conduire à freiner l’attrait économique et social relatif de la localisation en région parisienne par rapport à une localisation « en Province ».

Mais le phénomène de concentration est-il vraiment contrôlable ? N’est-on pas aujourd’hui à un point de non-retour ? La concentration des pouvoirs économiques et politiques à Paris «s’auto-renforce » et laisse peut d’espoir de voir émerger un jour une véritable volonté de déconcentration... à moins que la construction européenne conduise progressivement à réduire les prérogatives des pouvoirs parisiens et à acroître l’autonomie et le poids des régions françaises ?