3°) Les « externalités pécuniaires de structure » des politiques d’investissement par mode : l’impacts sur les finances des chemins de fer des bouclages des réseaux autoroutiers

Il paraît intéressant de nous pencher sur les coûts indirects sur les entreprises ferroviaires -indirectement sur l’Etat- des autoroutes dites « d’aménagement du territoire ». Ces conduisent en effet à des « externalités pécuniaires de structure » si elles sont réalisées en parallèle à une volonté politique de maintien d’une offre ferroviaire « d’aménagement du territoire ». La réalisation d’ici à l’an 2010 du schéma directeur autoroutier réserve ainsi des surprises intéressantes aux responsables des affaires publiques. Aujourd’hui, la situation de la SNCF est financièrement problématique, sans toutefois atteindre les « sommets » catastrophiques d’autres entreprises ferroviaires européennes. Maurice Bernadet et Luc Baumstark (1993) 487 notent à ce propos :

« Les comptes de la SNCF, établissement public à caractère industriel et commercial, ne se sont pas améliorés malgré les réformes successives entreprises depuis 1970. Son endettement cumulé dépasse les 170 milliards de F. L’entreprise continue cependant d’investir sur des projets importants, notamment pour développer le réseau TGV. Les augmentations des voyageurs induites par cette nouvelle offre sont, depuis quelques années, compensées par la baisse du trafic sur les lignes « classiques ». Enfin, la situation se dégrade très fortement dans le secteur du transport de marchandises où seul le trafic de trains entiers est bénéficiaire, tandis que le trafic combiné, et surtout le trafic de wagon isolé perdent de l’argent.(...) L’accroissement de l’endettement de la SNCF est inquiétant notamment en raison des taux d’intérêts actuels. Le taux d’autofinancement étant quasi nul, la compagnie ne peut assurer son développement qu’en empruntant. Les contributions financières de l’Etat aux comptes de la SNCF sont importantes, puisqu’elles se sont élevées, en 1992, à près de 40 milliards de F ».

Cet état des lieux de la situation financière de la SNCF n’est qu’un aperçu de ce qui va venir dans les années prochaines. Les dix ans à venir vont ainsi être caractérisées par les évolutions suivantes :

En France, ces évolutions vont en outre être accompagnée par le bouclage d’un réseau autoroutier dense et performant. Face à cela, il est certain que excepté les relations TGV, l’offre ferroviaire classique aussi bien voyageurs que marchandises se révélera incapable (dans sa structure actuelle) d’être à la hauteur de la concurrence routière. Il est certain qu’une infrastructure ferroviaire classique en situation de sous-investissement ne peut supporter la comparaison avec un infrastructure autoroutière subventionnée et surdimensionnée. Pour les territoires de faible densité, il est clair ainsi, que le choix de subvention de la mobilité routière par réalisation d’autoroutes financièrement non viables signifie implicitement le choix de la mort du chemin de fer. A titre d’exemple, la ligne ferroviaire Clermont Ferrand - Montpellier parallèle à A75 est irrémédiablement condamnée à mort lente. De même la réalisation du barreau Grenoble-Sisteron signifierait la mort de la relation ferroviaire Grenoble-Veynes. Si telles sont les préférences politiques, il n’y a pas lieu à problème. Cependant, nous sommes bien en présence d’externalités pécuniaires « de structure » qui représentent effectivement un grave problème.

En effet, la centralisation de la planification et des décisions pour chaque mode de transport conduit à ignorer ou nier les relations entre construction d’une infrastructure autoroutière et abandon d’une relation ferroviaire, et encourage les demandes multiples et irresponsables des décideurs politiques locaux. Effectivement, parallèlement aux très fortes demandes d’infrastructures routière, on peut aussi constater chez les élus locaux de très fortes résistances à la fermeture de lignes ferroviaires secondaires. En territoire peu dense, les « externalités pécuniaires de structure » des politiques d’investissement par mode peuvent être imagées de la façon suivante :

Le travail de l’économiste ne consiste pas à dire quelle est la bonne option d’aménagement du territoire entre une subvention de la route (autoroute) et une subvention du rail (modernisation...), qui consiste en un choix politique. Nous nous contentons simplement de montrer dans quelles mesure les politiques centralisées par mode sont génératrices d’irresponsabilité et de non décision conduisant à une « externalité pécuniaire de structure » : le maintient d’une offre ferroviaire non concurrentielle face à une autoroute subventionnée conduit à un besoin de subvention croissant qui pèse sur l’entreprise ferroviaire -et indirectement sur les finances publiques.

Notes
487.

BERNADET, Maurice, BAUMSTARK Luc (1993), Le financement des transports par les pouvoirs publics en France LET.