Conclusion du chapitre III

Après la définition d’une externalité pécuniaire « de structure », et l’analyse des principes de son internalisation, qui nous amène notamment à mettre en avant le principe de tarification au coût marginal avec transferts augmentée d’une valeur assurant l’équilibre budgétaire, nous observons les cas d’externalité pécuniaire dans le secteur des transports. Nous voyons ainsi que les choix d’infrastructure représentent le principal levier de la régulation publique dans les transports. Effectivement, Alain Bonnafous (1994) 512 précise que le choix d’infrastructure représente parmi les trois systèmes de régulation (infrastructures, réglementations, tarification) celui qui « depuis des décennies voit son rôle s’accroître ».

Mais s’il n’est pas accompagné d’évolutions parallèles en termes de réglementation et de tarification, le choix d’infrastructure ne rempli pas correctement le rôle qui lui est imparti. Allant à contre courant des comportements marchands, il tend à générer une externalité pécuniaire « de structure » budgétairement coûteuse. La non-internalisation de ces interactions pécuniaires représente ainsi une « erreur » politique, dans la mesure ou elle peut amener le marché à dévier des orientations ayant guidé le choix politique et finalement accentuer les divergences censées être corrigées (déresponsabilisation croissante des individus dans leurs choix de consommateurs, et nécessité croissante d’intervention publiques de correction).

Nous constatons ainsi dans quelle mesure les subventions aux transports ferroviaires de marchandises et aux transports collectifs de voyageurs tendent à être à la fois inefficaces et de plus en plus coûteuses si elles ne s’accompagnent pas d’une augmentation parallèle des prix du transport routier. De la même manière, les politiques de déconcentration représentent des gouffres financiers sans aucune efficacité si elles s’accompagnent parallèlement d’encouragements de la concentration. Les autoroutes d’aménagement du territoire peuvent aussi générer des externalités pécuniaires coûteuses si la baisse des prix routiers qu’elles induisent entre en contradiction avec des volontés locales de maintien des activités au centre des villes desservies, et/ou de soutien des transports collectifs, notamment ferroviaires. Enfin, nous interprétons plus généralement la crise des réseaux ferroviaires en Europe par la contradiction entre une politique d’investissements ayant, d’un côté, réduit les coûts des transports routiers, et, parallèlement, des exigences de service public ayant conduit au maintien d’un minimum de qualité d’offre ferroviaire.

Nous illustrons ainsi dans quelle mesure l’externalité pécuniaire « de structure » révèle un déficit d’arbitrage entre différentes options de politique des transports. Ce point nous amène ainsi au principe de l’internalisation de ces externalités pécuniaires. Nous sommes amenés à mettre en avant l’intérêt pour l’internalisation « de structure » d’une gestion des infrastructures tous modes par une même administration qui puisse assurer la couverture des coûts fixes du système de transport par l’ensemble des usagers tous modes. Cette couverture partagée des coûts fixes revient à assurer de nécessaires transferts assurant la cohérence entre la tarification des infrastructures et les orientations stratégiques « de structure » politiquement adoptées. Nous mettons ainsi en relief l’incompatibilité entre l’internalisation « de structure » et la concession de réseaux d’infrastructures par mode de transport. Nous soulignons dans quelle mesure le principe d’équilibre budgétaire global du système de transport, loin d’être un handicap, est un puissant instrument qui contraint les aux décideurs à révéler leurs préférences à travers d’inévitables arbitrages stratégiques. Nous précisons enfin comment la directive 91-440 de séparation entre infrastructure et exploitation représente une internalisation « de structure » dans la mesure où elle contraint les Etats à assumer leur responsabilité dans la gestion des réseaux d’infrastructure ferroviaire.

Notes
512.

BONNAFOUS, Alain (1994), Les régulations, les nouveaux équilibres : la régulation économique, in Se déplacer au quotidien dans trente ans, Eléments pour un débat, La documentation française.