première Partie
entre Unité Et Morcellement : Les Hautes Terres Himalayennes

Dans cette Asie “ compliquée ” qui nous intéresse, la localisation tout comme le genre des Himalayas sont originaux : le massif concentre 80% des terres de plus de 3000m du continent asiatique. En tout, quelque 3 millions de km2 qui peuvent être appréhendés dans une première approche comme une barrière, à peu près vide d’hommes, entre les deux principales masses démographiques du monde, respectivement au sud et au nord-est du massif : le sous-continent indien et la Chine. La barrière porte aussi les frontières politiques litigieuses des Etats englobants.

Rares sont les auteurs qui adoptent pour l’étude des frontières tracées en Himalaya une démarche géographique : la frontière est le plus souvent étudiée comme objet politique, historique ou juridique, rarement comme objet d’intérêt géographique. Pourtant n’est-elle pas avant tout une ligne qui circonscrit l’aire de jeu d’une politique quelconque, création intellectuelle qui introduit une limitation “ artificielle ” de l’espace, soit qu’elle s’appuie sur des intersections d’ensembles physiques ou humains, soit que son tracé relève d’une tout autre logique, qu’on attribue trop rapidement au seul arbitraire de ses concepteurs24 ?

Notre premier travail doit être d’étudier un support spatial trop négligé, de rechercher une relation entre les frontières et ces portions de l’Himalaya sur lesquelles elles sont tracées. Présentent-elles une “ cohérence ” vis-à-vis des mécanismes de partition des différents ensembles physiques ou/et humains en Himalaya ? Au contraire viennent-elles en discordance avec des formes physiques, celles qu’en première analyse on appréhende comme de “ meilleurs ” supports ?

Nous nous efforcerons de mettre d’abord en évidence les thèmes de rupture au travers de ce qui peut être perçu en première vision comme un continuum de transition entre deux portions de l’Asie.

Nous l’aurons compris, débuter l’étude des frontières tracées en Himalaya par une mise en place des ensembles structuraux, des modes d’appropriation et d’utilisation du sol par les populations locales est une nécessité. Dresser un fond de carte qui permette de localiser les discontinuités, entraînant rupture ou tension nous permettra sans doute de comprendre pourquoi les frontières, autour des Himalayas, ne sont pas tracées là où elles paraîtraient le mieux coïncider avec la fonction de barrière qu’on est censé leur attribuer, idée qui revient pourtant de façon lancinante dans les discours des hommes politiques d’hier et d’aujourd’hui.

Notes
24.

D'autres conceptions, différentes, de la frontière ont été affirmées par le passé, et sont semble-t-il revivifiées aujourd'hui; nous y reviendrons ultérieurement.