Chapitre Premier
outils D’analyse Et De Connaissance

Alaistair Lamb a consacré la quasi-totalité de ses travaux d’historien à l’étude de l’évolution contemporaine des Etats héritiers juridiques du British Raj, et de leurs frontières. Mettant en exergue de son travail de synthèse régionale Asian frontiers, studies in a continuing problem la complexité physique de la barrière himalayenne, il constate que “ la majeure partie de la limite sino-indienne en Himalaya est une zone-frontière plutôt qu’une frontière ”25. L’observation - précise-t-il ensuite - vaut non seulement pour le milieu physique, mais rend aussi compte de la complexité même, autant que du caractère inachevé de l’interaction politique sino-indienne.

Cette observation va, dans un premier temps, guider nos pas dans la compréhension des mécanismes de partition, mais aussi de transition autour des Himalayas, au travers des questions qu’elle soulève. Mais avant de s’interroger sur la validité d’une telle affirmation dans cette zone caractérisée par l’enchevêtrement des situations autour des limites politiques et qui peut apparaître comme un laboratoire de tous les problèmes de frontières, nous devons nous munir d’un certain nombre d’outils de compréhension, de connaissance du thème de la recherche - marches, frontières, limites et marges - tels qu’ils sont compris dans la littérature française bien sûr, mais aussi dans la littérature anglo-saxonne.

Une approche de la terminologie d’usage en anglais est un préliminaire indispensable parce que la langue, autrefois instrument de la colonisation, a été préservée comme lingua franca politique et universitaire en Asie du sud (la majorité des études concernant la région ont été rédigées dans cette langue) 26 . Elle s’est de plus imposée (mais pas seulement dans la région) comme langue diplomatique ; elle y est opposable aux textes rédigés en langue nationale : l’article IX de la Convention frontalière sino-indienne du 7 septembre 1994 précise que le document est rédigé en trois langues - hindi, chinois et anglais - et que “ les trois textes ont la même valeur ”27.

Notes
25.

"much of the Sino-Indian border along the Himalayas represents a frontier rather than a boundary", A. Lamb, Asian frontiers, London, Pall Mall Press, 1968, p. 6.

26.

En Inde, seule la version anglaise de la Constitution faisait autorité jusqu’à l’adoption, en 1987, du 58° amendement qui imposa l’obligation d’une version en hindi du texte. Autre exemple, le rapport commun des Indiens et des Chinois sur leur litige frontalier fut en 1960 rédigé en anglais. Ce n’est qu’ultérieurement que les derniers annoncèrent qu’ils ne considéraient plus leur version anglaise comme officielle.

27.

L’Anglais est considéré comme le latin de notre temps, mais cela ne nous dispense pas d’en fournir une traduction dans un travail universitaire français. La citation originale, quand elle est en anglais, est donnée en note infra-paginale.