b) Pratiques Étatiques

Quel que soit le stade de construction des Etats, chaque structure étatique exprime un “ projet ” qui s’appuie parfois sur un héritage, sinon colonial au moins impérial, et qui peut induire des relations différenciées avec le territoire national ou, pour restreindre le champ d’étude, avec l’espace de la périphérie : aménagé ou non, intégré ou pas en fonction de son positionnement souhaité, perçu ou hérité dans la dynamique intra ou inter-étatique : ‘“ ce n’est pas en parlant d’elle même, c’est en partant de l’Etat qu’il convient d’étudier et d’analyser la frontière. Tel type d’Etat, telle limite et, quand il y a lieu, telle frontière au sens militaire et politique du mot ”’ 33. Ce qui doit à mon sens retenir l’attention sont les modes de gestion et de contrôle des frontières par les gouvernements concernés, qui posent les jalons des rapports entre l’Etat d’une part, et les territoires et les peuples en position de frontière d’autre part.

En fait nombre d’Etats, autant à l’intérieur de leur propre territoire que dans les relations inter-étatiques qu’ils entretiennent, développent des pratiques de type impérial, qui relèvent d’un ‘“ ensemble géopolitique composé d’un ou de plusieurs peuples relevant d’un gouvernement central quelle que soit la forme de celui-ci (monarchie, république) et impliquant un système de communication, une administration, une bureaucratie et une armée de type particulier ”’ 34.

La définition est certes incomplète, mais présente l’intérêt de ne pas réduire l’empire à la seule dimension - historique - généralement retenue et de le ramener à ce qui me semble être sa juste nature : une forme spécifique d’Etat car, rappelle Michel Foucher, ‘“ les Etats ne sont pas des entités mythiques constituées selon un modèle unique ”’ 35. L’empire (ou le système impérial) demeure une forme de relation entre pouvoir et territoire, qui est caractérisée en premier lieu par la non coïncidence entre l’extension du territoire attribué ou échu et l’exercice réel de la souveraineté, par un débordement (par des moyens idéologiques, politiques ou militaires) de l’aire théorique d’exercice de la souveraineté. A l’inverse, la souveraineté peut ne s’exercer effectivement que sur une fraction du territoire; configuration qui risque de favoriser l’émergence de pôles internes oppositionnels, souvent en périphérie, que peuvent mettre à profit des systèmes politiques voisins (voire lointains).

Notes
33.

Lucien Febvre, cité dans Michel Foucher, op. cit., p. 74.

34.

Article empire, Lexique de géopolitique, Paris, Dalloz, 1988, p. 103.

35.

Michel Foucher, op. cit., p. 51.