de La Frontière Aux Marges Et Aux Marches

La diversité des situations observables aujourd’hui aux frontières impose de remettre en question, non pas l’universalité de la frontière linéaire, qui demeure encore normative, mais tout au moins celle de l’unité territoriale interne qu’elle suggère comme celle de l’uniformité des pratiques administratives induites.

D’une part, les espaces en périphérie ne sont pas forcément intégrés au territoire national après trente à cinquante ans d’indépendance et de construction nationale et des phénomènes de colonisation interne, de front pionnier, sont encore observables dans de nombreux pays. Par contre, ils ne relèvent pas forcément de la rhétorique d’une mise en exploitation d’espaces vierges, mais plutôt de celle de l’intégration sociale et politique de populations périphériques selon les deux registres de l’assimilation et de l’insertion dans le système économique dominant.

D’autre part la diplomatie de proximité, qu’elle soit motivée par des impératifs d’ordre économique ou sécuritaire, à usage interne ou externe, génère des variations dans la gestion nationale des abords des frontières comme des adaptations partielles et localisées du dispositif frontalier général, à moins que ne soit mise en place - c’est le cas de l’espace Schengen - une gestion différenciée de l’application des fonctions attribuées à la frontière. La ligne subsiste, mais sa surveillance comme son contrôle, qui s’étendent obligatoirement en profondeur vis-à-vis de la ligne, suggèrent le terme de système frontalier, qui peut avoir son correspondant de l’autre côté de la frontière et constituer une interaction frontalière. La marche, dans une conception moderne du terme, serait cette interaction frontalière, quand celle ci n’est pas caractérisée par l’affaiblissement des systèmes de valeurs nationaux pour faciliter le contact ou les échanges de part et d’autre de la frontière, mais cette modification intervient au contraire pour accroître les fonctions séparantes et de sécurité de la frontière. L’interaction frontalière peut intégrer une dimension externe, lorsque l’action par rapport à la frontière se fait via des Etats intermédiaires.