Chapitre Deux
les Himalayas Et La Barrière, Une Union Guère Parfaite

Depuis les basses terres de la plaine indo-gangétique l’Himalaya paraît offrir la combinaison idéale d’un massif montagneux et d’une frontière, d’une limite physique et d’une frontière politique qui introduit une rupture majeure entre des Etats voisins. La valeur - stratégique - du massif se combine, nous l’avons noté, avec une valeur religieuse, de sanctuaire qui contribue à en faire “ la figure géographique qui domine l’Inde ”146, et qui la clôt. Central dans l’iconographie religieuse, le massif himalayen est une périphérie, un “ bout du monde ” indien dont il convient de découvrir les paysages, depuis la plaine jusqu’aux plus hauts sommets, pour mieux comprendre ce qui a permis la formulation d’une telle représentation.

Mais toute représentation est, dit-on, à la fois “ conventionnelle et imparfaite ”147, et celle-ci autant qu’une autre, sinon comment expliquer les affrontements qui ont opposé népalais et tibétains et qui opposent indiens et chinois, pour la possessions de territoires himalayens? il convient de s’interroger sur cet espace perçu, non pas pour le “ réinventer ”, mais pour en rechercher les constituants physiques et en dresser les limites implicites, pour mieux comprendre pourquoi le mythe de la barrière peut exister, mais aussi pour quelles raisons il ne résiste pas à l’action politique et peut fournir des arguments de revendication, tant d’un point de vue physique - celui du terrain - qu’humain - celui des appartenances implicites des hommes à un versant de la barrière ou à l’autre -.

Notes
146.

“ the geographical feature which dominates India most ”, K.M. Panikkar, Geographical Factors in Indian History, Bombay, Bharatiya Vidya Bhavan, 1959, p. 47. Figure bien sûr comprise là comme marquage identitaire de l'Inde.

147.

A. Bailly, R. Ferras, D. Pumain (dir.), Encyclopédie de géographie, Paris, Economica, 1992, p. 372.