Dans l’espace sud-himalayen, les frontières méridionales du Népal et du Bhoutan sont tracées au pied des lignes de crête des conglomérats des Siwaliks, en deçà de la limite retenue par les géographes indiens entre les régions naturelles de la “ barrière montagneuse ” et les régions naturelles des plaines168. Mais malgré une transition physique entre plaines et montagnes localement plus brutale qu’en Himalaya central ou oriental, le point d’origine d’une section himalayenne de la frontière indo-pakistanaise est incertain.
Par défaut, nous pourrions retenir la logique qui a présidé à la définition autant qu’à la délimitation de la frontière entre les deux Etats. A l’été 1947 Sir Cyril Radcliffe, dans la villa mise à sa disposition à New Delhi, devait dessiner une ligne de séparation entre des populations en majorité hindoue et des populations en majorité musulmane, dans une région où l’imbrication des différentes communautés religieuses était extrême et demeure toujours complexe. Cette logique de partition selon des critères religieux, envisageable à petite échelle a impliqué, de la part du juriste anglais, un ensemble de choix tactiques - à grande échelle -, comme celui de supports physiques aisément identifiables. A l’extrême nord de la frontière, le district de Gurdaspur, à majorité musulmane, fut intégré à l’Inde pour asseoir la frontière sur un support “ naturel ”, celui du talweg de la rivière Ravi. Le choix du juriste britannique assurait à l’Inde naissante la propriété de Pathankot, et donc de la route Pathankot-Jammu, alors seul accès oriental du Kashmir, qu’elle n’aurait pas eu si Gurdaspur avait été dévolue au Pakistan.
Il est difficile de trancher quant au caractère intentionnel ou pas de ce choix. Tandis que le gouvernement pakistanais argue d’une collusion secrète anglo-indienne, Alaistair Lamb note que la volonté de la commission Radcliffe était d’assurer l’intégrité des canaux d’alimentation en eaux de la ville indienne d’Amritsar, favorisant directement le groupe Sikh169. Le caractère stratégique de cette bande de basses terres coincée entre le Pakistan et les premières pentes du Pir Panjal est confirmé par l’obstination des Pakistanais à tenter d’occuper le territoire, en 1948, puis en 1965 et en 1971170.
Une seconde limite est envisageable : au lendemain de la Partition, les revendications frontalières des deux pays ont porté sur un autre “ objet ” de litige bien défini dans sa nature, soit la gestion des rivières du Penjab et des canaux d’irrigation de la plaine de l’Indus. C’est un point un peu plus au nord que Pathankot, dans la moyenne vallée de l’Ujh, qui marque la limite : au nord, nous sommes dans un secteur qui est prenant dans le conflit du Cachemire, tandis qu’au sud, c’est bien le problème du partage des eaux de surface qui domine171. Mais il est toutefois évident que l’intégralité de la dyade indo-pakistanaise est, à plus petite échelle, objet de tensions (mais non pas de litiges) entre ces deux pays.
R.L. Singh (édit.), India : a regional Geography, Varanasi, National Geographical Society of India, réimp. 1989, p. 30.
Alaistair Lamb, Asian frontiers, London, Pall Mall Press, p. 109.
Ces actions pousseront l'armée indienne à entreprendre des attaques au coeur même du Pakistan (notamment Lahore) pour dégager l'axe. Une seconde conséquence sera l'effort soutenu du gouvernement indien pour moderniser rapidement la piste qui relie la plaine au Ladakh par le Baralacha la.
C'est ce point que retient A. Lamb, op. cit., p. 109.