3) Paysages D’une Marche Physique

a) L’espace Transhimalayen

Le double plan incliné qui descend en pente douce du Ngariskorsum (5 000 m en moyenne) vers le rebroussement birman (vallée du Tsangpo) et le noeud des Pamirs (vallées du Gar chu et de l’Indus), pour s’achever d’un côté comme de l’autre vers 3 000 m et devenir des gorges d’orientation nord-sud, constitue la première et principale zone de peuplement de ce versant à une altitude moyenne de 3 500 m.

A l’est du Mayum la le Tibet méridional - et le coeur historique du Tibet - est constitué par les deux régions du Ü (région de Lhasa; dbUs signifiant centre) et du Tsang (région de Shigatsé)228. C’est la principale zone de peuplement de ces hautes terres, qui s’étend sur 1 200 km d’ouest en est et 200 km du nord au sud. Elle abrite environ 80% de la population du Tibet administratif et une vingtaine de villes dont les deux principales - Lhasa et Shigatsé - regroupent 15% de la population totale. Les altitudes sont modestes (entre 3 000 m et 4 000 m) et le climat est relativement tempéré par rapport aux espaces environnants : à Lhasa, les précipitations annuelles s’élèvent à 500 mm et la température annuelle moyenne est de 8°, mais les terres cultivées couvrent un peu moins de 2 000 km2 (moins de 1% de la superficie totale).

Le Ngariskorsum englobe les sources de la Sutlej (région de Burang), de l’Indus et du Gar (région de Guge), entre les chaînes himalayennes au sud, le Mayum la à l’est et la confluence du Gar et de l’Indus au nord-ouest. C’est une région couverte d’une végétation steppique assez pauvre, battue par les vents229, abritant une population clairsemée de pasteurs nomadisant (densité moyenne inférieure à 2 hab./km2) et quelques bourgades autrefois à vocation administrative ou commerciale, aujourd’hui comme villes de garnison230.

A l’ouest du Ngariskorsum le Ladakh s’étend le long de l’Indus jusqu’à son franchissement de la chaîne du Zanskar en amont de Gilgit, constitué jusqu’en 1947 par les deux tehsils de Leh et de Askardo, dont les deux villes furent en alternance capitale d’été et capital d’hiver. Il présente des paysages qui tranchent avec ceux du Tibet central : aux espaces ouvertes de ce derniers fait pendant un paysage fermé de larges vallées en auge séparées par des chaînes les surplombant de plus de 2 000 m, dont rend compte son nom : le pays des cols (la-dwags). Depuis la partition du Cachemire, le terme ne concerne plus que le Ladakh central, ou Maryul des chroniques anciennes, du bourg d’Upshi en amont, à la confluence du Suru et de l’Indus en aval. Leh est située en rive droit de l’Indus, sur les premières pentes de la chaîne du Ladakh, au pied du Kardung la (5 602 m) qui permet l’accès à la région du Nubra231. Au nord-est du sillon de l’Indus, le Nubra comprend les vallées du Nubra et du Shyok et malgré son enclavement jouit de conditions naturelles assez favorables qui permettent parfois deux récoltes par an232. La région est toutefois peu peuplée et la population disséminée dans une douzaine de bourgades. Entre Upshi et la frontière chinoise les terres du Rupchu (entre le Tso Morari et l’Indus) et du Chang Tang (autour du Pangong tso) sont les plus élevées (altitude minimale de 4 200 m) et les plus inhospitalières de la région : sauf dans quelques bourgs à vocation administrative la population est majoritairement nomade; c’est elle qui alimente en pashmina les industries lainières du Cachemire, mais aussi de la vallée de Kulu.

Notes
228.

Cette partition du Tibet méridional en deux régions est une généralisation. Elle ne saurait faire oublier les différents “ pays ” : le Tsang occidental est le Mangyul; à l’est de la confluence du Kyi chu et du Tsangpo les tibétains distinguaient le Dagpo, le Kongpo et le Nyang, tandis qu’au sud du fleuve on distingue le Yarlung et le Lhobrag.

229.

Plus de 100 jours de forts vents par an.

230.

C’est pour nous un sujet d’étonnement que cette région a priori si défavorisée ait pu générer une civilisation aussi riche que celle qui se développa à Tsaparang au moyen âge.

231.

Mais qui est fermé près de huit mois par an.

232.

Le terme de Nubra serait une déformation de ldum-ra qui signifie “ verger ”. Il est vrai que les abricots de la région sont réputés!