Une lecture statistique des longueurs des frontières fait de l’Inde et de la Chine les principaux protagonistes de la scène himalayenne : leur frontière commune représente 77% des frontières de la Chine face à l’Asie du sud et 69,5% des frontières tracées dans les Himalayas ; la dyade se singularise aussi parce qu’elle est la plus longue frontière litigieuse du globe264. Si la situation régnant de part et d’autre de l’interaction sino-indienne peut être considérée comme la question majeure d’un théâtre himalayen, la dyade n’est pas la seule du massif à présenter des alternances de segments litigieux et de segments qui ne le sont pas : toutes les autres limites politiques constituent un objet de litige potentiel ou déclaré face à l’un ou l’autre de ces deux protagonistes, dont il convient aussi de rendre compte afin de considérer les Himalayas comme le théâtre géopolitique spécifique de l'interaction sino-indienne.
Il importe pour cela d’arpenter les frontières en Himalaya afin de dresser un état des lieux des situations différenciées ou non, observables de part et d’autre de ces lignes, afin d’identifier les différents segments qui les composent, selon leurs singularités, pour rendre compte des enjeux territoriaux associés, au travers des lignes revendiquées par les uns ou les autres. Nous suivrons d'abord la frontière sino-indienne, telle qu’elle fut formellement définie lors des entretiens frontaliers entre les gouvernements indien et chinois tenus à Beijing de juin à septembre 1960, consignés dans le Report of the Officials of the Governments of India and the People's Republic of China on the Boundary Question 265 et qui officialisa le partage de la dyade entre le secteur occidental, le secteur central et le secteur oriental. Par contre, ne fut pas pris en compte le secteur du Sikkim, qui relevait alors d'un Etat indépendant, au même titre que le Népal et le Bhutan, dont nous aborderons ensuite leur frontière chinoise. Parce qu'elle clôt en pratique à l'ouest l'espace himalayen de l'Inde, nous évoquerons en dernier lieu la dyade indo-pakistanaise dans ses dimensions himalayennes.
La dyade sino-russe ne l’est plus, si on se rapporte au traité signé le 25/4/1996 par les dirigeants des deux pays : officiellement, seul subsiste le litige concernant la souveraineté de l’île aux Ours, à la confluence de l’Amour et de l’Oussouri.
Report of the Officials of the Governments of India and the People's Republic of China on the Boundary Question, Ministère des Affaires Etrangères, New Delhi, 1962.