La frontière la plus méridionale est celle que revendique et patrouille l’armée chinoise et qui sert de limite d’espace aérien entre les deux pays sur la carte ONC-G7267. Son tracé est très proche de celui que le gouvernement chinois revendiquait comme frontière en 1960. Elle a comme caractéristique d’être la seule portion de la dyade sino-indienne a avoir été démarquée - mais de façon unilatérale - par l’armée chinoise à partir de 1964.
Du Karakoram la, la ligne suit un éperon rocheux jusqu’à la longitude 78° est, pour prendre ensuite une orientation sud-est et suivre la ligne de crête de la chaîne du Karakoram en rive gauche de la Shyok et au nord de la Kugrang Tsangpo, jusqu’au Kongka Lla. Elle se poursuit ensuite selon une orientation nord-est, sud-ouest jusqu'au Pangong tso qu'elle coupe en son milieu pour prendre alors une direction globalement méridienne jusqu'au sud du Spanggur tso. Ce tracé ne s’appuie que rarement sur des formes naturelles ; il isole la Shyok de ses sources et coupe en deux le bassin du Changchemno ainsi que le Pangong Tso. Enfin, il place sous contrôle chinois les principaux cols contrôlant les accès sud de l’Aksai Chin.
Le tracé marque la limite atteinte par les troupes chinoises le 20/10/1962, qui leur assure une position topographique dominante, cantonnant l’armée indienne dans les fonds de vallée, et leur assurant un avantage-terrain décisif à ces altitudes extrêmes, identique à celui dont l’armée indienne bénéficie face aux troupes pakistanaises dans le secteur du Siachen268. La mise en oeuvre des propositions issues de la Conférence de Colombo (qui consistaient en un retrait chinois de 20 km par rapport à cette ligne) aurait introduit un équilibre tactique dans les positions respectives des deux armées, séparées grosso modo par la ligne de partage Shyok-Lingzitang (exception faite du Changchemno, toujours coupé en deux en amont du Kongka la).
La ligne chinoise n’a certes aucun fondement géographique ou historique, mais elle permet à la Chine d’établir un contrôle total sur l’Aksai Chin, c’est à dire sur un territoire traversé par le seul itinéraire direct Xinjiang-Tibet qui existe269. La route, qui a été construite entre 1954 et 1957, ne suit pas une ancienne piste mais est totalement nouvelle dans son tracé. Curieusement certaines cartes (Bartolomew ; Lamb) la faisaient partir du Khitai la dans une direction sud-est qui évitait le Lingzitang, tandis que les cartes chinoises actuelles présentent une route qui, à partir du même point, suit une direction globalement nord-sud (le long de 79°30 E) et traverse Aksai Chin et Lingzitang270.
Faute de données plus précises, nous ne pouvons trancher quant à l’origine de cette divergence cartographique, mais il faut noter que la seconde version de la route la met en territoire indubitablement chinois si on se réfère à la proposition de MacDonald (1899), qu’avaient officialisées les cartes anglaises jusqu’en 1947271. La situation observable aujourd’hui est celle d’un axe routier qui, venant du nord, diverge à Tianshuihai : l’axe principal se poursuit en direction de Gar et du Tibet occidental, tandis qu’un axe secondaire, passant par Sumdo et Nyingxi longe à faible distance la ligne de front avant de rejoindre la route principale à Rutog272.
Cette limite invisible est d’autant plus symbolique qu’elle sépare le “ ciel ouvert ” indien et l’espace aérien chinois, interdit à toute intrusion.
Voir plus loin, paragraphe IV.
Un autre itinéraire Xinjiang-Tibet est possible, passant plus à l'est et remontant les vallées du Polu et du Keria. Mais il est plus long et évite le Tibet occidental. Ce fut celui qu’emprunta à la fin du siècle dernier la mission Dutreuil de Rhins.
Dans la région, les axes de circulation, officellement dénommés routes, sont plus modestement des chemins empierrés, de médiocre qualité de roulement.
A.G. Javed Chaudhri, “ Sino-indian border dispute ”, Regional Studies, été 1984, p. 44. Se reporter à la fig. 31 pour le tracé initial de la route.
Selon la carte CIA 800911 9-88.