A la hauteur du Sikkim, la dyade sino-indienne mesure quelque 200 km. Elle est la seule section de cette longue interaction dont le tracé n’a pas été remis en cause par le gouvernement chinois actuel, même s’il la considère comme issue d’un traité inégal289. La seule revendication qui ait été officiellement formulée sur la frontière est venue du gouvernement tibétain, qui avait remis en cause le tracé dès sa ratification à Londres le 17 mars 1890 par les gouvernements britannique et chinois. Il n’accepta le traité sino-britannique qu’en 1904, à la suite de “ l’expédition Younghusband ”. La frontière fut démarquée ensuite par une commission mixte. L’absence de revendications chinoises est d’autant plus surprenante que le tracé imposé par les Britanniques a amputé le Tibet de territoires cishimalayens.
La frontière du Sikkim occupe une place particulière dans l’enveloppe frontalière de l’Inde, puisqu’elle n’en fait officiellement partie que depuis 1975, date de l’intégration du petit royaume dans l’Union Indienne, comme 22° Etat, et ne fut pas intégrée au secteur central ou au secteur oriental lors des discussions frontalières sino-indiennes de 1959-1962. Mais sa localisation est hautement stratégique : la frontière est à seulement 500 km à vol d’oiseau de Calcutta290; 150 km suffisent pour relier par la Highway 31 le Natu la (4 328 m) à Shiliguri (113 m).
Au droit du Sikkim, la morphologie est extrêmement complexe et rappelle celle qu’on peut observer à la hauteur du Mustang. Les chaînes du Grand Himalaya et du Ladakh sont accolées, formant un ensemble massif de sommets élevés en deux lignes parallèles : la chaîne méridionale porte les plus hauts sommets (dont le Kanchenjunga, 8598 m), mais la chaîne du Chorten Nyima, plus régulière en altitude, porte la ligne de partage des eaux entre les tributaires de la Tista et ceux du Mo chu. C’est elle qui fut choisie en 1890 pour servir de support à la frontière, qui commence au ‘“ Mont Gipmochi [Gyemo Chen] sur la frontière bhoutanaise et suit la ligne de partage des eaux susmentionnée jusqu’au point où elle rencontre le territoire népalais ”’ 291.
A l’est du Chhumakhang (6 212 m), la frontière abandonne la chaîne du Ladakh pour suivre au nord un chaînon parallèle et intègre au Sikkim le haut bassin de la Tista, le Chhombo chhu. Puis elle suit le Dongkya, un chaînon méridien issu du Khongjakma, qui forme l’interfluve séparant les tributaires de la Tista du cours de la Chumbi, qui prend au Bhutan le nom de Ngamo chu. Seule exception à cette circonscription des limites nord et est du bassin de la Tista, la frontière intègre sur les dix derniers kilomètres de son parcours les sources du Di chu (ou Jaldakba, dont le cours est bhoutanais), assurant au Sikkim l’accès du Jelep la qui était, avant la construction de la route qui dessert le col plus septentrional du Natu la (4 328 m), le principal passage entre Inde et Tibet.
En 1890 la Chine exerça en fait ses prérogatives de suzerain, imposant (en théorie) à son vassal tibétain un tracé frontalier qu’il n’acceptait pas, mais l’opération avait surtout pour objectif de permettre à la cour impériale de réaffirmer son statut d’empire face aux Britanniques et de confirmer sa suzeraineté sur le Tibet, même si elle n’était alors plus que nominale. De plus, remettre en cause le traité de 1890 poserait la question du support normatif : le choix de la ligne de partage des eaux serait favorable aux Indiens, puisqu’il leur accorderait la vallée de la Chumbi; celui d’une frontière coutumière reposerait le problème de l’annexion de la Chumbi par les Tibétains au début du XIXème siècle.
La ville fut jusqu’en 1911 capitale politique du British Raj et demeure aujourd’hui la ville la plus peuplée de l’Inde et la seconde capitale économique du pays après Bombay.
Article 1 du traité de 1890.