Au nord-ouest de la chaîne, la dyade qui sépare la Chine du Pakistan est de tracé et de conception récents : un accord de définition fut signé le 2/3/1962 entre les deux Etats ; la frontière fut délimitée au travers d’un “ setting up boundary agreement ” le 2/3/1963, et démarquée par la suite. La carte de la “ boundary between China’s Sinkiang and the contiguous areas the defense of wich is under the actual control of Pakistan ” (1/500 000) publiée par le Survey of Pakistan (1966) précise la localisation des 20 séries de bornes : la première établie à la trijonction Afghanistan / Chine / Pakistan et la vingtième à la trijonction Inde / Chine / Pakistan, au Karakoram La. Dernière étape dans la mise en place de la frontière, une convention définissant le commerce transfrontalier est signée le 21/10/1967, et reconduite plusieurs fois depuis313.
Cette dyade présente toutefois deux traits singuliers : tout d'abord elle est nouvelle, sans tracé antérieur revendicable, ou presque. C’est en fait la première limite qui ait fait l’objet d’un traité dans cette région de l’Himalaya, conséquence pour une large part de l’incapacité des Anglais à établir une frontière linéaire dans ce secteur de l’empire, comme ils l’avaient fait auparavant plus au sud ou à l’est . En outre, acceptée par les Pakistanais qui en ont la charge, elle ne l’est pas par les Indiens, qui remettent en cause, d’abord la souveraineté pakistanaise sur les territoires frontaliers, ensuite le tracé de la frontière, perçu comme imposé par le gouvernement chinois, en s’appuyant sur des pratiques quotidiennes de gestion ou d’utilisation de l’espace en question, autant que des projections stratégiques héritées.
Au long de la dyade domine une relative unité de milieu autant que de pratique sociale. Les variations les plus fortes y sont d’ordre géopolitique, liées à la fonction stratégique des différentes sections :
de la trijonction Afghanistan - Chine - Pakistan à la longitude approximative 75°30’, la relation sino-pakistanaise est compliquée par les interférences afghane et russe ;
de ce point à un autre plus à l’est, là où la frontière rejoint la ligne de crête de la chaîne du Karakoram, l’interaction sino-pakistanaise domine ;
jusqu’au Karakoram La, le dernier segment frontalier intègre une composante indienne majeure.
Nous reviendrons ultérieurement sur le degré "d'achèvement" de la frontière, que nous comprendrons d'abord comme "bouclage" du dispositif technique de mise en place d'une frontière. Des chercheurs, notamment S.B. Jones, Boundary Making : A Handbook for Statesmen, Washington, 1945, mettent en avant l'administration effective de la ligne-frontière, c’est à dire la signature d'accords portant sur la gestion des marques de frontière, comme critère finalisant la mise en place d’une frontière. C'est aussi la fonction attribuée à la frontière : ouverte ou fermée, avec échanges commerciaux ou pas, qui caractérise pour un temps la relation entre deux Etats voisins.