c) Le Long Des Crêtes Du Karakoram

La seconde section de la frontière commence au point où elle rejoint la chaîne du Karakoram, vers 76° est. Elle s’appuie, jusqu’au Sia Kangri, sur la ligne de crête du Karakoram, qui prend localement le nom de Panmah Muztagh, puis de Baltoro Muztagh. La frontière passe par les plus hauts sommets de la chaîne, dont le Chogoli ou K2 (nommé aussi Godwin Austin : 8 611 m), second plus haut sommet du globe. Le milieu est extrêmement sévère, inhospitalier, et totalement inhabité sur une profondeur moyenne de 20 km de part et d’autre de la ligne de crête. Cette zone se caractérise pour l’essentiel par la présence d’un système glaciaire de type alpin au sein d’un univers rocheux constamment enneigé (la limite du manteau neigeux permanent descendant, sur le versant sud, jusqu’à 4 400 m).

Cet ensemble montagneux est sans doute le seul de la longue dorsale himalayenne à former effectivement une barrière, c’est à dire à ne pas offrir de point de franchissement bas ou aisé sur une longueur de près de 200 km. Seuls deux cols sont ou furent parfois utilisés pour permettre des liaisons entre communautés d’altitudes établie au sud le long de la vallée de l’Indus, et au nord le long de celle de la Raskam : la East Muztagh Pass (5 416m ; c’est à ce col qu’a été installée la 19° et avant-dernière série de bornes de la démarcation de la dyade sino-pakistanaise) entre les glaciers du Baltoro et de l’Insukaiti et plus à l’est l’Indiracol La (5 901m) entre les glaciers du Siachen et de l’Urdok.

Le milieu est sensiblement différent de celui qu’on pouvait observer de part et d’autre de la précédente section de la dyade : les altitudes moyennes croissent, ainsi que l’aridité qui atteindra son maximum plus à l’est, dans les terres désolées des Changtang tibétain et ladakhi. Les paysages sont désormais plus ouverts, où les fonds de vallées prennent une autre ampleur qu’explique un remblaiement tardi-quaternaire puissant318. La dissymétrie physique est moindre que plus à l’ouest ; seule demeure une différenciation nord-sud de l’étagement de la végétation où s’opposent au sud un climat sec et au nord de la chaîne un climat aride.

Les conditions du milieu ont généré de part et d’autre du massif du Karakoram des peuplements distincts. Le Baltistan, au sud, est majoritairement peuplé de Baltis, de langue tibétaine (peu différent du ladakhi), mais de religion musulmane chiite, convertis à l’Islam par des missionnaires du Khorassan319.

La mise en place de frontières fermées dans cette région autant que l’intégration à des ensembles nationaux de territoires jusque là indépendants ou du moins autonomes ont bouleversé les économies locales :

Notes
318.

Voir à ce sujet Monique Fort et Olivier Dolffus, “ Questions de géomorphologie dans l’ouest du Kunlun et du Tibet ”, Annales de géographie, n°566, juillet-août 1992, pp. 371-412.

319.

E. Reclus, Géographie Universelle, t.VIII, Paris, 1883, p. 120.