Conclusion De La Première Partie
des Himalayas Et Des Frontières, Une Union Incertaine

L’ensemble Himalayas-Tibet peut se comprendre comme un ensemble physique et humain complexe de transition, non seulement entre les mondes indien et chinois, mais aussi - quoique dans une moindre mesure - avec cette Asie centrale qui constitue, vers l’ouest, la porte du monde russe au nord et celle du monde arabo-musulman au sud.

Les partitions socio-économiques observées dans le massif, surdéterminées par un milieu physique contraignant, présentent un caractère de dilution des identités sociales et culturelles des populations “ des plaines ”, laissant un espace suffisant au développement d’une société et d’une culture intermédiaires : le monde tibétain. Toute interaction politique dans le secteur vient en intersection avec cet ensemble singulier qui, même s’il n’a plus aujourd’hui de réalité politique territorialisée, conserve pourtant une présence forte et complexe, mobilisable mais non mobilisé (voire rejeté dans le cas de la Chine) par les protagonistes.

La carte des frontières entre la Chine et ses voisins du sud est d’abord une carte tibétaine, interférant largement dans la stricte relation d’équilibre entre des Etats en position de voisinage :

Bref, la frontière ainsi décrite apparaît comme une bien mauvaise limite ; frontière arbitraire, absurde au même titre que celles que l’on prête aux traceurs - coloniaux - du XIXème siècle! Pourtant cette frontière est pour une large part contemporaine et son tracé n’a guère varié depuis plus de trente ans : est-ce à dire qu’il s’agirait malgré tout d’une frontière stable, définitive ? Mais l’interaction est complexe : vue de l’Inde, c’est un dispositif en profondeur qui demeure dans son principe très proche de celui que mirent en place au siècle dernier les Britanniques, hérité lui-même pour une part d’autres systèmes politiques antérieurs à caractère impérial. Vue de la Chine, la situation est “ neuve ” puisque sans tradition historique de contact direct, mais où est appliquée une technique récurrente de gestion des périphéries, qui ne relève pas uniquement d’une praxis communiste.