Chapitre Quatre
représentations Géopolitiques Impériales Et Pratiques Frontalières Nationales Associées

Dans le milieu himalayen, la frontière n’est pas un concept nouveau qui aurait été introduit par les Britanniques au fur et à mesure de leur prise de contrôle des territoires des collines (et en même temps que le concept de frontière se diffusait là-bas, en Europe). Une pratique récurrente de délimitation des souverainetés est identifiable, non seulement de la part des Etats qui aujourd’hui se partagent l’espace himalayen, mais aussi dans l’histoire du Tibet.

Ce qui est nouveau, c’est bien sûr la conception linéaire de la frontière, liée à une perception nationale-territoriale de l’Etat, imposant de concevoir puis de négocier ou d’imposer de claires limites à la souveraineté : la définition des frontières relève d’un “ projet ”, qui est pour une part importé dans le cas de l’Inde, et plus encore dans celui du Pakistan. A l’exception du Népal et du Bhoutan, les Etats gestionnaires des frontières himalayennes ont l’essentiel de leur territoire comme de leur population “ dans les plaines ” et ont construit leur propre représentation des massifs bordiers, selon les trois registres de l’imaginaire, du symbolique et du réel, propre à leurs espaces de référence, qui ne sont pas forcément en cohérence avec les réalités observables dans les périphéries.

La délimitation comme la démarcation relèvent, elles, non seulement d’une prise de décision à plus grande échelle, celle du terrain, avec toutes les incertitudes que cela peut engendrer selon la connaissance réelle que peuvent avoir les décideurs de ce dernier, mais aussi des logiques de décision qui appartiennent aussi à un héritage implicite de la notion de limite. En fait, quelle que soit l’étape considérée du processus de construction d’une frontière, transparaît la notion d’héritage, de pratique comme de vision, pour les Etats autour des Himalayas.