Le caractère globalement litigieux des frontières entre les pays d’Asie du sud et la Chine a généré une ample littérature sur les conflits en cours mais n’a pas fait naître de littérature abondante sur la théorie de la frontière. Aussi, tenterons-nous de pallier cette faiblesse en reconstituant, non pas les discours des uns et des autres, mais leurs pratiques avérées :
elles sont appréhendables par l’intermédiaire des revendications formulées par les protagonistes. Pour les cas indien et chinois nous disposons des livres blancs, établis par les deux partis comme documents de travail lors des négociations de 1960455. Le terme “ négociations ” est sans doute mal choisi, comme nous le constaterons plus loin : si l’attitude indienne manqua sans doute de clarté, la Chine ne chercha rien d’autre que de faire reconnaître sur le papier les positions qu’elle occupait sur le terrain.
les revendications révèlent, au travers des documents présentés pour les étayer, les conceptions respectives des uns et des autre quant aux frontières, notamment les types de supports privilégiés, notamment le vocabulaire conceptuel utilisé.
une seconde source est constituée par les décisions prises sur les frontières, au travers des communiqués communs ou unilatéraux parus dans la presse, ainsi que des traités négociés. Le récolement réalisé depuis 1962 (au moins pour la presse française) est sans doute incomplet - puisque s’appuyant sur les seules informations parues dans la presse écrite -, mais permet malgré tout de dégager plusieurs configurations, plusieurs types de supports de frontières.
En tout, près d'une quinzaine de “ livres ”, auxquels il faut ajouter la synthèse commune réalisée peu avant les affrontements de 1962, Report of the Officials of the Government of India and the People's Republic of China on the Boundary Question, New Delhi, Ministry of External Affairs, 1961, qui se compose d'une brève introduction technique relative aux noms des représentants et aux lieux de réunion, et de deux rapports dans lesquels les délégués indiens et chinois justifient leurs positions respectives.