c) Premiers Accrochages

La souveraineté chinoise sur le Tibet, admise assez rapidement sur la scène diplomatique, ne devint que progressivement une réalité interne : la localisation des accrochages entre patrouilles indiennes et chinoises dès mai 1954, et jusqu’au conflit ouvert de 1962 - en tout une trentaine de lieux, dont une demi-douzaine jusqu’en 1959674- est celle des étapes de la prise de possession par l’APL des frontières méridionales du Tibet, selon une temporalité qui paraît beaucoup plus liée aux événements internes au pays qu’au strict rapport des forces de part et d’autre de la frontière, que des incidents similaires se produisent aussi le long des frontières birmane, bhoutanaise, népalaise et pakistanaise675.

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Figure 32 : Accrochages 1954-1962.
[Note: Source : La question de la frontière sino-indienne, Beijing, 1962.]

Le premier incident éclate dans la région de Bara Hoti/Wuje, quand une note chinoise datée du 17 juillet 1954 annonce que 30 soldats indiens ont pénétré dans ‘“ Wu-je de la zone Ali, dans la région chinoise du Tibet ”’. La réponse indienne affirme que ‘“ nos investigations ultérieures ont confirmé que l’allégation était totalement incorrecte. Un détachement de la Border Security Force est installé dans la plaine de Hoti qui est au sud-est du Niti la et en territoire indien ”’ 676. D’autres incidents se produisirent, d’abord dans le secteur concerné par le traité de 1954 (Spiti en 1956, Shipki la en 1957), puis se déplacèrent plus à l’ouest, dans le secteur de l’Aksai Chin, où le premier incident éclate en juillet 1958, lorsqu’une patrouille chinoise occupe le fort de Khurnak677. Le déplacement des accrochages vers l’ouest paraît directement lié à l’accroissement des flux et de la présence chinoise rendus possibles par l’achèvement de la liaison routière Kashgar-Gartok, comme le seront ceux qui prendront place à l’est du Bhoutan, après la fuite du Dalaï Lama.

Notes
674.

Qui firent l'objet de quelque 25 échanges de notes entre les gouvernements, tout en restant ignorés du public, au moins du côté indien, Chao Kuo-chun, "The Chinese-Indian Controversory", Current History, XXXVII- December 1959, pp. 354-361.

675.

George Ginsburg, "Pekin-Lhasa-New Delhi", Political Science Quaterly, LXXV (september 1960), p. 348, lie ces incidents à la "continuing deterioration of China's domestic situation".

676.

“ our further investigations have confirmed that the allegation is entirely incorrect. A party of our Border Security Force is encamped in the Hoti plain which is southeast of Niti Pass and is in indian territory ”, White Paper I, p. 3. La note dément formellement qu'aucun personnel indien n'ait traversé au nord du Niti la, et précise qu'au contraire, des officiels tibétains ont essayé d'entrer à Bara Hoti. La note chinoise n'inquiète pas le gouvernement indien puisque Wu je y est décrit comme étant situé au nord du Niti la, et ne remet pas en cause le traité.

677.

La note indienne, datée du 2 juillet 1958, ne reçut pas de réponse avant octobre 1959!