La visite qui fit Rajiv Gandhi à Beijing en décembre 1988 fut la première effectuée par un Premier Ministre de l’Inde depuis celle de Jawaharlal Nehru en 1954. Quelque maigres qu’aient pu paraître les acquis de la visite738, elle n’en demeure pas moins remarquable puisque les deux Etats reconnurent officiellement qu’un contentieux frontalier les séparait, première étape d’une normalisation des relations aux frontières. Cette étape n’aurait sans doute pas été possible si une phase préalable - de discussions à un niveau sub-ministériel - n’avait été menée huit ans auparavant, mettant fin à dix-huit années d’un contexte diplomatique défavorable, mais surtout d'absence de réelle volonté - et d'intérêt - de part et d'autre à régler la question frontalière.
Hua Guo Feng avait soulevé la question de la frontière lors de sa rencontre avec Indira Gandhi à l’occasion d’une réunion des non-alignés à Belgrade en mai 1980 et la déclaration commune insista sur l’amitié sino-indienne et sur la nécessité d’éviter les accrochages à la frontière. Peu après, Deng Xiaoping réitéra sa volonté d’améliorer les relations avec l’Inde dans deux interviews accordés à des journalistes indiens (Krishna Kumar et G.K. Reddy). La normalisation des relations entre les deux pays fut une nouvelle fois retardée après la reconnaissance indienne du gouvernement pro-vietnamien du Cambodge mais, signe de la volonté du gouvernement indien, Narashima Rao, alors ministre des affaires étrangères, justifia ce retard en des termes mesurés.
En juin 1981 le voyage à Delhi du ministre chinois des affaires étrangères Huang Hua amorça des négociations pour lesquelles les deux pays avaient consenti à d’importantes concessions : tandis que Huang Hua affirma que les discussions ne seraient pas closes si l’Inde refusait le “ package deal ”, les Indiens en échange assouplirent implicitement la position officielle de ne pas négocier tant que les troupes chinoises n’auraient pas quitter le sol indien739. Comme gage de bonne volonté - mais le geste était à destination de l’opinion publique indienne -, Huang Hua annonça la réouverture du poste frontière du Lipulekh la afin de permettre aux Indiens de se rendre en pèlerinage au lac Manasarovar et au Mont Kailash.
Commença alors une série de réunions annuelles qui, si elles n’apportèrent guère de résultats concrets, permirent au moins aux groupes de travail d’apprendre à travailler ensemble, ce que n’avaient pas permis les réunions de 1960, qui s’étaient en plus déroulées dans un climat de tension. Plus important encore fut la confirmation de la volonté des deux gouvernements de régler leur différend frontalier, puisque les incidents frontaliers entre les deux pays ne mirent pas fin aux discussions, même au plus fort des tensions, comme lors des accrochages dans la Sumdorong chu. La présence de gouvernements forts à la tête de chaque pays (le retour triomphal d’Indira Gandhi en Inde et Deng Xiaoping en Chine) a certainement contribué à amorcer puis à maintenir actif ce processus de négociation740.
La presse indienne comme l'opposition ironisèrent sur les piètres résultats obtenus par le Premier ministre au cours de son voyage, lui reprochant notamment son affirmation que le problème du Tibet était une question strictement interne à la Chine.
Soit l'abandon du texte de référence adopté par le Parlement indien en 1963, et sur lequel avaient achoppé toutes les discussions précédentes.
Que Deng Xiaoping, natif du Sechuan, ait été trente ans auparavant en charge du sud-ouest de la Chine n'est sans doute pas étranger à sa volonté de règlement.