le Renouveau D’une Question Tibétaine

L’intégration du Tibet au sein de la RPC, perçue comme inévitable par Nehru et acceptée comme telle, ne porta pas les fruits escomptés par l’Inde, c’est à dire la normalisation des relations inter-étatiques que la disparition d’un dispositif de type impérial pouvait laisser espérer. L’acceptation indienne de la stratégie chinoise déboucha à l’inverse sur un conflit inter-étatique (certes limité), mais aussi sur la préservation d’un jeu d’empires en Himalaya, rénové dans un contexte de guerre froide qui remplaçait en compliquant - par de nouvelles ramifications internationales - les anciennes oppositions russo-britannique puis sino-britannique dans la région.

En annexant le Tibet, la Chine communiste n’obtint pas non plus les résultats espérés puisque au terme de 40 ans de pression politique et militaire, la région n’est toujours pas intégrée dans l’espace sinisé, à tel point qu’on est en droit de douter que le projet stratégique initial fut accompagné d’un projet politique ; que la question du Tibet n’a toujours pas reçu de Beijing une réponse adéquate à la fin du XXème siècle. N’aurait-il pas mieux valu que Chinois et Indiens acceptent en Haute Asie ce que Soviétiques et Pakistanais acceptèrent à l’ouest de l’Hindou Kouch : un Etat indépendant ?

Il demeure donc une question tibétaine - et pour la Chine une question du Tibet - actuelle, mais qui ne se pose pas dans les mêmes termes selon que l’on se place au nord ou au sud des Himalayas : colonisation ou asservissement d’un côté, au pire oubli de l’autre. Se pose par contre pour les deux voisins le problème du différend frontalier qui est, pour l’essentiel, hérité de ce que la Grande Bretagne a voulu faire du Tibet, ainsi que d’une mésentente entre un Etat qui comptait poursuivre, avec une idéologie rénovée, les politiques antérieures et un second, qui comptait, dans le cadre légué, jeter les bases d’une nouvelle géopolitique externe.

Mais si on change d’échelle et qu’on envisage celle de la stratégie, la question tibétaine semble s’effacer et ne représenter pour les Indiens et les Chinois qu’une question annexe, où demeurent certes des conflits de voisinage, mais qui ne gêne les différents acteurs politiques d’Asie que parce qu’elle les met en contact direct et mobilise une partie de leurs forces armées et de leur activité diplomatique.