la Chine, Ses Frontières Et Le Tibet

Le Tibet apparaît comme une marche militaire face à l’Asie du sud en général et à l’Inde en particulier, mais aussi comme un confins chinois, une “ frontière ” au sens turnerien du terme, où la population autochtone est de plus en plus perçue par Beijing comme un frein au développement : la rhétorique de fusion des populations au sein de la mère-patrie chinoise semble passer ici par la disparition de la minorité nationale tibétaine. L’implantation massive de populations han - qui porte dans ses modalités toutes les caractéristiques d’une colonisation de peuplement - en bouleversant à court terme le rapport minorité nationale/population han peut introduire une nouvelle donne dans les relations sino-indiennes à la frontière. Elle peut permettre la mise en oeuvre effective d’une défense populaire du Tibet, telle qu’elle est possible dans la Chine des 18 provinces, au travers notamment des milices, et réduire ainsi le caractère sensible que recouvre encore la question tibétaine pour les autorités chinoises. Encore faut-il que la dynamique actuelle donne les résultats escomptés, ce qu’on peut mettre en doute, au regard des médiocres résultats obtenus par une politique similaire menée au Xinjiang.

Ainsi les nouvelles modalités de la présence chinoise au Tibet ne constituent pas, individuellement, une menace actuelle directe pour l’Inde, mais le fort dispositif militaire sur les hautes terres, qui a en partie pour fonction de contrôler une situation sociale qui s’affirme de plus en plus tendue, constitue au moins un sujet d’inquiétude majeur à court terme. Le risque qui apparaît est celui d’un débordement possible de cette tension sur le versant sud des Himalayas, qui pourrait s’exprimer soit par un afflux de réfugiés, soit par un refroidissement des relations sino-indiennes à la frontière. Il impliquerait alors une gestion rénovée des marches indo-tibétaines, voire même la mobilisation du facteur tibétain (ce à quoi l’Inde s’est toujours - au moins ouvertement - opposée).