Hors du Nord-Est, les Etats ou portions d’Etat s’étendant sur une partie de l’Himalaya ne sont pas intégrés dans un dispositif spécifique institutionnalisé, mais ont aussi fait l’objet d’un processus de normalisation de leur statut administratif.
L’Etat de l’Himachal Pradesh est une entité administrative de création récente, puisque le “ pays des monts et des neiges ” est né le 15 avril 1948 par la fusion de 21 Etats princiers du Penjab des Collines et de leur 9 tributaires, jusque là enclavés au sein de l’Etat du Penjab, au même titre que les Patiala & East Punjab States Union (PEPSU). Le lent travail politique de l’Akali Dal, au travers du slogan récurrent du Punjabi Suba, soit un Penjab remodelé selon une base linguistique, aboutit après la mort de Nehru (1964) et la guerre indo-pakistanaise de 1965 à une redéfinition géographique du Penjab, et par là de l’Himachal Pradesh le 1er novembre 1966 par le biais du Punjab Reconstruction Act, qui disposait depuis le 14° amendement de 1962 d’une assemblée législative.
La partition administrative de cette entité composite sanctionna la naissance d’un Etat sikh - le Penjab -, et d’un Etat hindou - l’Haryana - plus que celle d’un Himachal Pradesh qui aurait été créé “ à cause de la nécessité de préserver l’identité culturelle particulière de ses habitants ”972. L’imbroglio territorial-administratif qui régnait jusque là est désormais remplacé par un Etat de plaines, le Penjab, et un Etat montagneux, l’Himachal Pradesh, de part et d’autre d’une limite qui court au pied de la chaîne des Siwalik, le long de la Beas et de la Soan (affluents de la Sutlej). En 1971, l’Himachal Pradesh devint officiellement Etat de l’Union, après être passée par une phase transitoire d’administration directe par le gouvernement central, déléguant ses pouvoirs à un lieutenant gouverneur (équivalant à un chief commissioner).
L’Himachal Pradesh peut apparaître comme un Etat calme, puisque sans plus de troubles que dans le reste de l’Inde. Toutefois, s’il ne s’y exprime pas de conflits ouverts ou latents, l’Etat n’en demeure pas moins occuper une position stratégique : c’est une région frontière avec la Chine, que le conflit de 1962 a privé de différents territoires; depuis que les troubles de la vallée de Srinagar se sont transformés en affrontements ouverts, l’Etat de Jammu & Kashmir constitue un second voisinage conflictuel973; il en est de même du Penjab où, depuis 1984, l’activisme politique et terroriste Sikh fragilise l’appartenance de l’Etat à l’Union indienne. Bordé à l’est par un Etat à majorité musulmane et au sud par un Etat dont une frange de la population est ouvertement sécessionniste, l’Himachal Pradesh est le lieu d’une colonisation hindoue, d’une sur-appropriation par l’Inde d’autant plus forte que les populations en position de frontière ne partagent pas les mêmes valeurs sociales et culturelles que dans le reste du pays. Pourtant, la colonisation des hautes terres qui y est amorcée n’a pas jusqu’à présent provoqué de troubles. En fait, les populations des districts du Lahul et du Spiti bénéficient indirectement des programmes de développement du gouvernement central comme du PNUD, plus en raison de leur appartenance à l’Etat d’Himachal Pradesh, qu’à une volonté du gouvernement indien et même à celle du PNUD de mettre en valeur ces pays bhotia974.
La zone montagneuse de l’Uttar Pradesh, connue sous le nom d’Uttarkhand dans la littérature traditionnelle, offre une configuration politique différente : la zone septentrionale de l’ancienne division administrative du Kumaon fut la première possession britannique et la seule voie en direction du Tibet. Elle reçut un statut spécial de non-regulation province, bien que faisant officiellement partie des North Western Provinces (NWP). Après la défaite népalaise, le Garhwal fut séparé du Kumaon et passa sous le contrôle d’un Assistant Commissioner en 1839 tandis que le Kumaon cessait d’être une non-regulation province en 1891, quand il devint une division des NWP, renommées United Provinces of Agra et Oudh en 1901, qui formèrent l’Uttar Pradesh en 1947. La structure administrative actuelle ne fut mise en place qu’en 1960.
Les huit districts qui constituent cette excroissance montagneuse de l’Etat le plus peuplé de l’Inde (plus de 150 millions d’habitants) représentent 17% du territoire de l’Uttar Pradesh, mais seulement 4.2% de sa population. C’est la région la plus défavorisée de l’Etat, qui a été largement négligée par ses gouvernements successifs. Outre un déficit sensible en infrastructures, notamment de transport975, l’Uttarkhand est sous-industrialisé et l’agriculture demeure très traditionnelle, caractérisée par une majorité de petites exploitations, même dans les duns. Le peu d’intérêt porté à ces districts de montagne, dont les populations disposent d’une spécificité ethno-culturelle très marquée976, est directement responsable de l’émergence d’une revendication politique : la création d’un nouvel Etat indien, l’Uttarkhand, qui serait constitué des huit districts montagneux de l’Uttar Pradesh. La revendication récurrente depuis les années 1950 d’un Etat séparé a obtenu en 1991 le soutient du gouvernement BJP de l’Uttar Pradesh, qui fit passer à l’Assemblée une résolution demandant la création d’un Etat des collines qui s’appellerait Uttaranchal 977. Lors de la législature suivante, la même résolution fut votée, et ne rencontra pas d’opposition, si ce n’est celle du Parti du Congrès et du PCI (parti communiste de l’Inde, tendance marxiste) pour lesquels la création d’un nouvel Etat selon des bases ethniques risquait de constituer un dangereux précédent978. La résolution ne fut pas appliquée et aucun homme politique issu de la région n’obtint même de poste dans les gouvernements successifs de l’Etat. Réactivée à la suite d’affrontements entre étudiants de l’Uttarkhand Students Joint Action Committee (USJAC) et forces de l’ordre au début de l’automne 1994979 relança un débat qui devait aboutir à la création de l’Uttarkhand à l’été 1996, après la promesse faite par le premier ministre Deve Gowda au début de juillet. Le premier ministre a “ enterré ” le projet quelques semaines plus tard, mais une certaine autonomie a été accordée aux huit districts par Motilal Vora, gouverneur de l’Etat, entre 1995 et 1996 : la région a été déclarée Bacward Area 980, tandis qu’un Chief Secretary est nommé, en charge des districts, siégeant en alternance à Dehra Dun et Nainital. Toutefois ces décisions ne sauraient contenter une population qui parait attachée à la création d’un Etat de plein droit et rejette tout autre statut intermédiaire comme celui d’autonomous hill council, tel qu’il a été octroyé à la région de Darjeeling ou plus récemment à celle de Leh.
“ because of the need to preserve the distinctive cultural entity of its people ”", M.B. Lal, “ transition to Statehood without agitation or violence ”, The Statesman, 20/8/1970.
Même si la guérilla “ afghane ” n’a pas encore pénétré en Himachal Pradesh.
Lors d’un entretien à Delhi en août 1994 Tevi Abrams (directeur régional du PNUD pour l’Inde et le Bhoutan) soulignait que la pression gouvernementale avait été très forte pour que l’Etat soit retenu par le PNUD, afin surtout de fidéliser l’électorat hindou des collines, des cultivateurs de pommes.
Six des districts ont des indices d’équipement en infrastructures compris entre 25 et 50 (moyenne de l’Inde : 100).
Les populations de l’Uttarkhand sont linguistiquement plus proches du népali que du hndi. Elles disposent aussi d’un meilleur niveau scolaire que dans le reste de l’Etat : à l’exception des districts d’Uttarkashi et d e Tehri Garwhal, les districts de l’Uttarkhand sont ceux qui présentent les plus forts taux d’alphabétisation, tant masculins que féminins de l’Etat (exception faite de ceux de Ranpur Naga et de Lucknow).
Lors de ces élections, le BJP obtint la totalité des sièges dans la région.
Les deux partis ayant la charge d’Etats où des revendications identiques existent : l’Assam et le Bengale Occidental; voir chapitre suivant.
Le gouvernement de l’Uttar Pradesh voulut imposer à l’ensemble de l’Etat un quota de 27% de sièges réservés aux OBC (Other Backward Casts) alors qu’elles ne représentent que 2% de la population de l’Uttarkhand.
La mesure, laissée à l’autorité du gouvernement, permet de réserver un certain nombre de places aux étudiants concernés à l’entrée des établissements d’enseignement supérieur, ainsi qu’à privilégier une filière locale de recrutement dans la fonction sanitaire et publique.