Les routes en Himalaya représentaient pour les Britanniques un caractère stratégique que rappela McMahon à la fin de la Conférence de Simla : ‘“ parce que les routes répondent au besoin immédiat d’ouvrir la région à notre influence et commerce, parce qu’elles facilitent notre administration et nous donne accès à la frontière”’ 981.
Malgré cette volonté affichée, les axes de transits furent privilégiés au détriment des axes de desserte, sauf en direction de quelques stations d’altitude comme Darjeeling, Simla, McLeod Ganj ou Srinagar982. Le bilan à l’indépendance est médiocre; c’est celui d’un déficit d’axes modernes de pénétration du massif qui ne compte environ que 168 km de routes motorisables983. La fermeture de la frontière sino-indienne (les dernières caravanes partirent de Leh en 1959) contribua alors paradoxalement au développement d’un réseau routier autour des Himalayas : la construction de routes a en premier lieu répondu au besoin stratégique de rapprocher les armées des frontières, au Tibet certes, pour la quasi totalité du réseau, mais aussi au sud des plus hautes crêtes. Les régions himalayennes de l’Inde comptent désormais 6000 km de routes motorisables (1992)984, constituant un réseau qui est relativement dense dans les collines, mais demeure très embryonnaire plus en altitude, à tel point que de nombreux villages du Ladakh sont à plusieurs jours de marche de la route la plus proche985.
| Etat | région | superficie (km 2 ) | réseau (kms) | dont revêtu(%) | m/km 2 |
| Inde | J & K | 222 236 | 14 429 | 58 | 65 |
| Himachal Pradesh | 55 500 | 24 830 | 28 | 440 | |
| Uttarkhand | 51 100 | 18 000 | n. d. | 350 | |
| Népal | Népal | 142 124 | 7 615 | 40 | 53 |
| Inde | Sikkim | 10 300 | 1 915 | 96 | 180 |
| Bhoutan | Bhoutan | 46 500 | 2 336 | n. d. | 50 |
| Inde | Arunachal | 83 700 | 7 520 | 33 | 90 |
Les fortes densités routières en Himachal Pradesh, en Uttarkhand et au Sikkim s’expliquent par l’habitat rural très dispersé du pied des collines et des duars, ou sur les pentes nord de la chaîne de Darjeeling; a contrario, le faible développement du réseau routier au J & K s’explique par le faible développement de cet étage dans l’Etat, et la concentration de la population dans l’alvéole de Srinagar. Plus haut, on ne trouve plus guère que des pistes, à quelques exception près comme les National Highway 1a au Cachemire, qui permet de relier Leh, 21 et 22 en Himachal jusqu’à Manali et Rampur, l’Arniko Highway au Népal, jusqu’à la frontière chinoise.
Ce déficit d’axes de pénétration est sans doute autant lié à la faiblesse des revenus mobilisés par les Etats indiens concernés, qu’à leur caractère stratégique987. S’y ajoute aussi une pratique, initiée par le gouvernement central, pour des raisons politiques : pressé par la nécessité de rapprocher les troupes des frontières, il créa en mai 1960 la Border Roads Organisation (BRO), qui fut chargée de construire et d’entretenir des routes dans la périphérie himalayenne. Après avoir construit plus de 24 000 km de routes en milieu difficile en 32 ans, la BRO a su diversifier son savoir-faire en construisant des terrains d’aviation, des ponts permanents, ou même des écoles988. Mais son expérience fait désormais d’elle le seul organisme capable d’intervenir dans le domaine, auquel les agences d’Etat font appel pour construire de nouveaux axes.
A l’insuffisance des infrastructures s’ajoute le problème de la desserte : les chefs-lieux des taluks de Khalsi, Deskit et Nyoma sont reliés à Leh par une liaison hebdomadaire dans les meilleurs conditions; la Nubra n’est accessible que deux mois et demi par an et la région du Kardong la n’a pas de service de bus de la fin octobre à la mi-juin.
: “ for roads serve the immediate purpose of opening the country to our influence and trade, of facilitating our administration and of giving access to the frontier ”, McMahon’s Final Memorandum on Tibetan Conference, 8 July, 1914, IOR, L/P & S/10/857; enclosure 5.
Dans le nord-est, seul l’axe Sadiya-Rima, en construction à l’époque de l’accord de Simla, fut poursuivi; les autres axes ne prénétrèrent guère dans les collines.
Bhabani Sen Gupta, “ India’s Borders : Problems of National Security ”, India’s Borders : Ecology and Security Perspectives, New Delhi, Scholar Publishing Forum, p. 48.
Alors que la moyenne nationale est de 620 m de routes par km2, elle n’est en Himalaya que de 14 m/km2.
L’Inde a lancé un programme de construction de routes (Minimum Need Programme), mais la priorité affichée est de relier tous les villages qui ont une population d’au moins 1500 personnes.
Chiffres 1992, sauf Bhoutan : 1993. Les valeurs données pour l’Uttarkhand sont une estimation personnelle, réalisée à partir de la carte de l’Etat.
Ainsi qu’au coût exorbitant de la construction de routes en montagne : le tiers du budget des trois premiers plans quinquennaux fut, en Himachal Pradesh, affecté à la construction d’un réseau routier afin de relier les chef-lieux de districts entre eux, soit un total de 3700 km de routes, pour les _ non revêtues.
La BRO a la charge de construire un terminal aérien à Paro (Bhoutan), d’un coût de 14 crores roupies, qui devrait entrer en service à la fin de 1997.