Si les axes routiers assurent une desserte - ponctuelle - du massif, la préservation des formes anciennes de gestion militaire du territoire, mises en place par les Britanniques pour limiter les interférences possibles entre gens de la plaine et gens des collines : les excluded and partly excluded areas, (Indian Act de 1919) devenues par la suite restricted and protected areas; limitent le désenclavement. La Inner line, qui constituait de fait la frontière administrative du British Raj, circonscrit toujours un espace en périphérie de l’Inde dont l’accès est soumis à autorisation spéciale, pour les touristes étrangers, comme pour les indiens qui ne peuvent justifier de résidence ou d'activité dans la zone concernée989.
Conséquence de l’accord de 1990 portant sur la reconnaissance de la ligne de contrôle effectif comme limite administrative des Etats indiens et chinois, les mesures d’exception qui affectaient les territoires se sont assouplies : ce n’est plus seulement le ministère de l’intérieur qui peut délivrer un “ inner line permit ”, mais aussi ses représentants régionaux les Residence Commissioners ou les Districts Magistrats 990. Cette délégation des pouvoirs indique clairement que les territoires concernés ont en partie perdu leur caractère “ sensible ” : si la frontière sino-indienne demeure toujours inaccessible sans permis, la profondeur des zones interdites s’est réduite991.
La réduction en superficie des zones interdites rend compte de la décrispation intervenue dans les relations sino-indiennes à la frontière, ou de sa perception comme telle par les autorités indiennes. Elle est aussi liée à une reconnaissance du tourisme comme moteur de développement des périphéries montagneuses :
La disparition de la plupart des zones interdites en Uttar Pradesh est la confirmation d’une situation calme dans le secteur central, la poursuite d’une logique de normalisation à la frontière qui fut amorcée par l’ouverture du Lipulekh la au passage de pèlerins992;
La réduction au J&K comme en Himachal Pradesh des zones interdites (seuls sont maintenus interdits les sous-districts à proximité immédiate de la frontière) est un signe identique. Mais il se complète ici du besoin de préserver le capital touristique que constitue le Ladakh en particulier, et les zones bhotia en général : la première mesure d’assouplissement concernant l’accès aux territoires montagneux fut l’ouverture à l’été 1989 de la route Manali-Leh, comme accès alternatif au Ladakh dès lors que l’itinéraire principal - par Srinagar - devenait dangereux, ou même impossible. Elle s’est complétée en 1993 par l’ouverture de la Nubra et d’une portion du Rupshu, puis du Spiti;
par contre, peu de modifications sont intervenues à l’est du Népal, hormis l’ouverture de la région de Darjeeling993 : le Sikkim demeure d’accès restreint et l’Arunachal Pradesh d’accès interdit.
Le gouvernement du Népal a introduit un concept similaire à celui des restricted areas même si les autorités affirment qu’il n’y a plus officiellement de zones interdites au Népal994 : Walunchung Gola, Rolwaling et la route menant par le Nangpa La au Khumbu; par contre le Mustang est ouvert et les “ trek ” en direction du Tibet sont autorisés depuis mai 1993995. Toutefois ces zones ne sont interdites qu’aux seuls étrangers996, comme au Bhoutan, qui demeure encore largement fermé : il n’a ouvert ses frontière au tourisme que depuis peu et n’accepte qu’un tourisme de groupes, d’ailleurs limités en nombre997. En fait, pour ces deux pays, comme pour le Tibet, il faudrait plutôt parler de régions ou d’itinéraires non-interdits et contrôlés à intervalles réguliers par un personnel policier.
Les restricted and protected areas sont établies pour des raisons stratégiques, mais aussi politiques et écologiques : si le Pendjab y était inclu en 1986 pour des raisons évidentes, les îles Andaman & Nicobar le sont pour préserver intact un milieu spécifique.
On peut noter que cet assouplissement des procédures administratives n’a pas encore son équivalent au Pakistan et y est considéré comme un frein au développement touristique des zones de montagne : le permis ne s’obtient (1995) qu’à Islamabad et requiert une semaine d’attente environ; un second séjour de “ debriefing ” à Islamabad est requis, à la fin du séjour.
A titre de comparaison, nous avons retenu 1989 comme année de référence, parce qu’elle fut l’année d’expérimentation d’un certain nombre de “ contacts ” avec la ligne, plus q’une date représentative d’un dispositif dont la géographie change d’une année sur l’autre. L’extension des zones interdites en 1989 reste représentative du dispositif tel qu’il a existé pendant une dizaine d’années.
En 1995, quelque 400 pèlerins en ont bénéficié, qui ont déboursé 6000 Rs pour atteindre la frontière, et 500$ pour le pèlerinage proprement dit (logistique prise en charge par lle Kumaon Mandal Vikas Nigam et le gouvernement chinois)!
En raison de l’apaisement des tensions après l’octroi d’un statut de Hill Council aux gurkhas de la région.
En 1995, l’Immigration Office du Népal publia une affirmation sybilline : "trekkers are not allowed to trek in the notified areas previously known as restricted"!
Pour le Népal, se reporter à la carte pp. 52-53 de I. Sacareau, Porteurs de l’Himalaya, Paris, Belo, 1997.
Toutefois le tourisme national n’a pas encore atteint le développement qu’il connait en Inde et les déplacements pour des raisons autres que professionnelles ou religieuses sont encore limités.
En 1993 chaque visiteur devait depenser obligatoirement l’équivalent de 400$ par jour.