Il fallut attendre 1963 pour qu’une revendication précise sur le secteur soit formulée. C’est le 2/3/1962 que Chinois et Pakistanais signèrent le traité de délimitation-démarcation séparant ‘“ Le Xinjiang chinois et les régions contiguës ’ ‘dont la défense est sous le contrôle effectif du Pakistan’ ‘”’.
Cette frontière, démarquée de la trijonction Chine/ Pakistan/ Afghanistan au Karakoram La par une série de vingt bornes, implique la souveraineté pakistanaise sur le versant sud de la frontière. C’est cette souveraineté que le pays revendique en reliant par une ligne droite le col au point NJ-9842.
Le tracé défini par le traité est plus méridional que celui que les anglais s’étaient donné comme limite nord du Raj (reproduit dans leurs atlas pendant toute la première moitié du XXè siècle), et qui sert de référence au gouvernement indien. C’est essentiellement ce point que les observateurs étrangers, et surtout les indiens, mettront en exergue, reprochant au Pakistan sa faiblesse vis-à-vis de la Chine (subissant le contrecoup du trop récent conflit sino-indien de 19621030).
Toutefois les Pakistanais obtiennent par l’intermédiaire du traité la définition de leur frontière septentrionale (sécurité que l’Inde ne possède toujours pas à l’heure actuelle). Ils obtiennent aussi la reconnaissance de leur souveraineté sur l’Azad Kashmir, le Gilgit et celle de leurs droits territoriaux sur le Karakoram La. En outre le Pakistan n’a pas trahi l’héritage britannique qui considérait la chaîne du Karakoram comme “ out-post of India ”. Mais dès lors les indiens ne lui pardonneront pas la perte de la moitié des pâturages de la Raskam daria. L’extension de la LCE vers le nord qu’ils se donnent1031 et qui coïncide avec la limite administrative entre districts du Ladakh et du Baltistan, leur permet de justifier une remise en cause du traité.
Le fait est établi que des soldats pakistanais ont patrouillé dans la zone du Siachen avant le début des hostilités. Pourtant notons que la 19° série de bornes frontières a été installée à la East Muztagh Pass, soit à plus de 50 km à l’ouest du Siachen et la 20° au Karakoram La. Doit-on voir dans cette latitude de démarcation (165 km séparent les bornes 19 et 20, alors que les 18 précédentes sont en moyenne espacées de 20 km) l’impossibilité des démarqueurs pakistanais d’accéder à cette section de la frontière ? Doit-on y voir le refus du gouvernement chinois de trop préciser sa position, d’autant plus qu’il s’est toujours prononcé pour la libre “ autodétermination ” du peuple cachemiri ?
Une évolution globale dans la région s’amorce dans les années 1970, marquées par “ l’esprit de Simla ”, c’est à dire l’acceptation du statu quo militaire (selon les positions occupées par les deux armées le 17/12/1971). Les deux états mettent à profit la trêve pour renforcer l’appartenance de ces régions himalayennes à leur territoire national, notamment en développant leur réseau routier, amorcé pour les besoins militaires lors des guerres indo-pakistanaise de 1948 et sino-indienne de 1959-62. Du coté pakistanais, le concours financier et matériel chinois permet l’achèvement de la Karakoram Highway (KKH) reliant Lahore à Kashgar et dont une branche désenclave le Baltistan jusqu’à Skardu et Khapalu. En Inde, un effort est entrepris pour améliorer la route Jammu-Leh et la poursuivre jusqu’à Chushul, principale base militaire au bord du Pangong tso ainsi que vers Pratapur au pied de la route du Karakoram.
En ouvrant ces régions au tourisme, les deux gouvernements poursuivent un double objectif (ce n’est pas un hasard si le Ladakh est ouvert au tourisme en 1974, la même année que le Baltistan). Le premier est de favoriser l’intégration de ces populations non développées à l’économie nationale par l’intermédiaire de la masse monétaire que véhiculent fonctionnaires et militaires mais surtout touristes. Le second est d’obtenir par la présence en ces lieux de touristes étrangers une forme de reconnaissance internationale tacite de la “ nationalité ” de ces régions.
Toutefois les territoires conservent un caractère litigieux : une zone de “ grand tourisme ” est définie, s’arrêtant coté indien à 5 km à l’est de la LCE et coté pakistanais à 20 km à l’ouest de la ligne1032. Les zones “ interdites ” demeurent ouvertes aux expéditions alpines, solidement encadrées par des guides (dépendant de l’armée) en contact radio avec les autorités locales. Les pakistanais ont inauguré cette “ stratégie du piolet ” : en ouvrant la région aux alpinistes, ils prouvent leur capacité à contrôler le territoire, confirmant de fait leurs droits de propriété1033. L’Inde sera quant à elle plus lente à comprendre l’impact international que peut avoir l’ouverture de zones conflictuelles à des touristes étrangers1034.
Même si la négociation s'est déroulée avec comme toile de fond le conflit sino-indien, les discussions préliminaires lui sont antérieures. Elles s'inscrivaient dans un autre contexte: ayant rompu avec l'URSS, la Chine avait désespéremment besoin d'un allié et était prête à d'importantes concessions.
Qui n'apparait jamais sur les cartes, puisqu'ils considèrent l'entier J&K comme territoire national.
Du coté indien, les zones interdites prennent une autre ampleur, de par la proximité de la zone contestée de l'Aksai Chin: on peut les estimer à près de 30% du territoire du J&K sous autorité indienne jusqu’en 1989.
C'est ainsi qu'au début des années 1980 des sources anglo-saxons incluaient le Siachen en territoire pakistanais.
En 1980, l'Union Internationale des Associations d'Alpinistes (UIAA) plaçait le Siachen en territoire pakistanais et recommandait aux candidats à l'ascension d'effectuer leurs demandes de permis auprès d'Islamabad. En septembre 1986, ce n'est pas sans humour que la revue suisse Les Alpes conseillait de demander un permis d'ascension aux deux gouvernements.