3.2. Systèmes de notation des signes

L'examen des modifications apportées au système de stokoe peut nous éclairer à la fois sur ses faiblesses mais aussi sur les attentes des différents chercheurs en langue des signes. Les différentes révisions ou reformulations (Friedman 1976 ou mandel 1981) du système de Stokoe n'ont toujours pas donné lieu à une version finale acceptée par la communauté des chercheurs en langue des signes.

Ce que l'on constate de la part d'une majorité d'entre eux, c'est leur volonté d'évoluer vers un système plus riche, plus phonétique qu'il ne l'était déjà. Indépendamment de la représentation de l'orientation de la paume et des doigts très vite introduite dans le système de Stokoe, on constate très rapidement la nécessité de multiplier les configurations manuelles qui n'étaient attestées que pour l'ASL42. Par ailleurs, l'utilisation de symboles liés à l'alphabet dactylologique américain pour décrire les configurations manuelles des autres langues s'est avérée impropre.

Force est de constater que l'on attend des modifications du système initial de Stokoe, une utilisation plus générale permettant la description d'autres langues signées dans leur spécificité. Il semble donc que ce système de représentation originellement phonologique ait été progressivement transformé en un système de description phonétique. Le système de Stokoe doit-il être l'API43 des langues signées ?

Plutôt que de déformer à l'excès un système, n'existe t-il pas d'autres possibilités ? Dans un article sur la prolifération des systèmes de notation pour la caractérisation des signes, miller propose un aperçu des différents modèles se détachant d'une filiation directe à celui de Stokoe.

De manière assez générale, deux courants semblent caractériser les divers systèmes. D'une part les systèmes qui tentent d'utiliser un symbolisme existant et d'autre part ceux qui en inventent un propre. Nous commenterons plus particulièrement le système HamNoSys.

Pour synthétiser les divers courants et filiations des divers systèmes de notation que nous avons rapidement évoqués nous reprenons un arbre proposé par Miller (1994).

message URL FIG3-08.gif
Figure 3.8 : Arbre des familles de systèmes de notation.

Si l'on examine transversalement les critiques et les remarques formulées à l'égard de ces systèmes de notation, qu'ils constituent une tentative d'écriture ou bien qu'ils soient phonologiques ou phonétiques, on peut extraire plusieurs tendances.

Tout d'abord, la grande majorité, voire la totalité représente un signe par le biais d'un système unilinéaire. Que l'on prenne la notation de Stokoe ou bien la HamNoSys, l'ordre de formulation des constituants du signe est obligatoire à la compréhension et n'est d'ailleurs pas le même dans les deux systèmes.

Cette caractéristique unilinéaire de tous les systèmes requiert de la part de leur concepteur une large part explicative sur les astuces internes au système de notation afin de représenter correctement les relations entre les constituants. En d'autres termes, l'explicitation de la notion de domaine d'application est intrinsèquement compliquée par l'unilinéarité.

La caractéristique multilinéaire d'un système de représentation phonologique semble donc être la principale condition de sa potentialité descriptive. Certes, l'usage de cette caractéristique peut très bien être imparfait mais en tout cas cette spécificité lui confère d'emblée une facilité dans la représentation des domaines d'applications relatifs aux divers constituants du signe.

Bien que cela n'émane pas directement de notre sujet d'étude, on retiendra ensuite les caractéristiques attendues pour un système de notation phonétique des langues signées. Pour la plupart d'entre eux, les critiques formulées conduisent à la nécessité de trouver une notation qui aurait les spécificités suivantes :

A travers les différentes propositions de modifications de la notation originelle de Stokoe ou bien les diverses inventions de système d'écriture, de représentation phonétique ou phonologique des langues signées, on a pu remarquer, d'une part la complexité qui caractérise la représentation des signes, et d'autre part la tendance à mélanger dans un même système des informations relevant de plusieurs niveaux d'analyse.

Notes
42.

 Même pour l'ASL, les autres chercheurs proposeront une augmentation du nombre de configurations manuelles.

43.

Alphabet Phonétique International

44.

 Une table des symboles utilisés pour la HamNoSys est présentée dans les annexes.

45.

 Il semble que la volonté de fournir un système d'écriture aux langues signées soit une préoccupation assez répandue dans les années 1990. Une langue à tradition "visuelle" comme la LSF nécessite-t-elle un système d'écriture ?