C’est lorsque les méthodes productives furent suffisamment au point, que ‘« l’on passa du domaine de la science à celui de ses applications, et alors se forma et se détacha le sous-groupe des hommes qui se destinaient à ce but. »’ 50 Du développement des sciences, naissent les sciences appliquées. Issues des sciences « pures », elles donnent naissance au vaste domaine qui est celui des « arts et des techniques ».
Pendant les années précédant la Première guerre mondiale, les effectifs des écoles augmentent et l’on assiste à une nouvelle vague de création. De 1900 à 1914, une vingtaine d’écoles d’application sont créées, principalement de chimie, électrotechnique et électromécanique, puis, de 1920 à 1945, ce mouvement se ralentit nettement. La plupart ont pour vocation de répondre aux besoins des industries locales.
L’objectif est de dispenser une culture à la fois technique et scientifique. L’admission se fait par concours et s’adresse à des élèves pourvus d’une excellente formation en mathématiques. Les programmes d’études sont construits sur le même modèle : enseignement scientifique de base, puis de sciences appliquées. Les études se terminent par un stage pratique, qui prépare très concrètement les futurs ingénieurs à leur profession. Les parts respectives des enseignements théorique et appliqué varient selon les écoles et les contextes locaux. Néanmoins, elles ont en commun d’être des écoles de sciences appliquées.
‘« Les instituts provinciaux et les écoles parisiennes de formation des ingénieurs ont des programmes pratiquement similaires qui s’étendent sur trois années d’études ; les premiers dix-huit mois sont consacrés à la physique et à la chimie générales, et à l’acquisition des mathématiques de base indispensables à ces deux disciplines, les élèves passant à peu près le tiers de leur journée à des travaux de laboratoire. Ils emploieront la deuxième moitié de leur scolarité à se spécialiser dans des branches diverses, telles que la chimie organique et minérale et les analyses quantitatives et qualitatives qui en découlent, la chimie physique, la minéralogie, la physique appliquée à la chimie. Ces cours sont aussi une initiation aux découvertes les plus récentes de la recherche en technologie industrielle. Les futurs ingénieurs qui s’orientent vers la physique étudieront toutes ses applications, de manière à pouvoir affronter les problèmes industriels... Pendant ces derniers dix-huit mois, les expériences de laboratoire occupent 70% de l’emploi du temps. Enfin, un stage de trois à six mois dans l’industrie viendra compléter « sur le tas » une formation déjà très poussée. »51.’Antoine Prost parle d’une nouvelle génération d’écoles d’ingénieurs.52 La première génération est davantage orientée vers la mécanique, son rôle étant la conception et la réalisation de machines nécessaires au développement industriel. L’ingénieur centralien ou des arts et métiers sont représentatifs de ce type. Cette période se caractérise par l’émergence d’un nouveau groupe d’ingénieurs, dont la fonction se définit à partir de l’application théorique et de connaissances empiriques très avancées quant aux problèmes de la production industrielle. On assiste à l’essor de l’enseignement professionnel supérieur. Les écoles sont tournées vers un enseignement de sciences appliquées et davantage préoccupées par le caractère opératoire de la formation. D’autres critères différencient ces deux groupes, tels, que les milieux sociaux de recrutement et les destinées professionnelles des élèves.
Les unes après les autres, les écoles d’Etat créeront un diplôme d’ingénieur civil. L’Ecole des mines sera pionnière en 1890. Ce n’est qu’en 1920 que sera créé le diplôme d’ingénieur civil de l’Ecole d’application du génie maritime et, en 1922, celui de l’Ecole des ponts et chaussées. Elles conservent leur orientation, fondée sur les mathématiques et la mécanique, laquelle est à la fois science fondamentale, étude du mouvement et science appliquée, fabrication des moteurs.
MOSCOVICI (S.) : op. cit., p. 430.
SHINN (T.) : « Des Corps de l’État au secteur industriel : genèse de la profession d’ingénieur, 1750 - 1920 », Revue Française de sociologie, n° XIX, 1978, pp. 61-62.
PROST (A.) : Histoire de l’enseignement en France, 1800 - 1967, A. Colin, col. U, Paris, 1968, p. 303.