La substance du curriculum s’exprime également à travers le mode de transmission des savoirs. A l’I.S.A.R.A., travaux de groupe et mises en situation constituent les formes privilégiées de transmission des savoirs pour tous les secteurs d’enseignement, à l’exception du secteur des sciences fondamentales qui n’a pas de mise en situation. La délimitation entre ce qui est transmis et ce qui ne peut l’être est faiblement tranchée, dans la mesure où le cursus est tourné vers l’action. Par un enseignement concret, qui va à la rencontre des faits, l’I.S.A.R.A. a cherché à former les ingénieurs à la démarche empirique et au raisonnement inductif et capables d’analyser la réalité dans ses multiples composantes.
Dès la deuxième année, les enseignements en lien avec l’agriculture représentent environ 40% du volume horaire (agriculture générale, zootechnie, économie rurale, comptabilité et machinisme agricole). Le temps accordé aux travaux pratiques et travaux dirigés passe de 28% à 36 % de 1976 à 1981 magistral (cf. annexe 2, documents 2 et 3 : répartition des volumes horaires, 1976 et 1980)
Au temps consacré aux travaux pratiques, applications, visites et cas concrets, s’ajoutent des stages de longue durée (deux stages en exploitations agricoles, monographie socio-économique, mémoire de fin d’études). Ils ‘« s’intègrent harmonieusement dans l’enseignement et, faisant appel à des disciplines diverses, constituent d’excellentes activités pluridisciplinaires. De plus, ils permettent une bonne insertion des élèves et des enseignants dans le milieu agricole. »’ 272
La pluridisciplinarité et la capacité à travailler en groupe apparaissent comme les principes à partir desquels s’est construite l’identité professionnelle de l’ingénieur I.S.A.R.A. En prenant cette option, le curriculum diffère des formations techniciennes, qui privilégient le raisonnement analytique. Par rapport au technicien spécialisé273, le bagage technique de l’ingénieur I.S.A.R.A. est moindre. En revanche, sa capacité à appréhender le contexte technique, économique et social d’une production ou de l’exploitation agricole et à évaluer les potentialités en identifiant les problèmes spécifie son savoir-faire.
‘« Ces ingénieurs seront des cadres supérieurs, des chefs d’entreprises, des animateurs pour les différentes branches d’activité intéressant l’agriculture, des experts entraînés à l’observation, au discernement, à l’innovation et à la créativité, des hommes d’action nourris d’un esprit scientifique leur permettant d’analyser toutes les dimensions d’un problème. »274 ’Le caractère pluridisciplinaire de la formation implique l’acquisition du langage et du mode de raisonnement propre à chaque discipline mais ne permet pas un réel approfondissement des connaissances. Pour acquérir ce bagage minimum, un consensus s’est établi sur un volume horaire de vingt-cinq heures par matière. Le risque de dispersion, de « saupoudrage », existe. Il ne peut être maîtrisé que dans la mesure où une coordination effective entre les enseignants est garante de la cohérence entre les finalités et le contenu de l’enseignement. Celle-ci a été assurée par l’organisation en secteurs reliés entre eux par le Conseil pour l’Enseignement et la Recherche.
‘« Les membres du C.E.R. rappellent que l’enseignement de l’I.S.A.R.A. a été conçu en fonction de ces orientations générales et qu’une concordance parfaite doit être maintenue entre la formation dispensée, les objectifs annoncés et l’image donnée de l’école ; dans le cas contraire, l’Institut perdra progressivement toute crédibilité auprès des élèves et auprès des employeurs. »275 ’Le terme pluridisciplinarité, employé pour caractériser la formation de l’ingénieur I.S.A.R.A., recouvre plusieurs modalités. L’une d’entre elles correspond à la notion d’interdisciplinarité, c’est-à-dire ‘« une pluridisciplinarité où les rapports entre les disciplines sont plus que des rapports de simple articulation, d’échange d’informations, de fourniture d’instruments, ou de subordination, mais où plusieurs disciplines s’associent dans une coopération étroite pour l’élucidation d’un thème, l’intelligence d’un processus, la compréhension d’un ensemble de phénomènes »’ 276 .
L’autre apparaît plutôt comme une exigence au service de l’homme et de l’action. Le curriculum pluridisciplinaire a été conçu afin de permettre aux futurs ingénieurs de se préparer à l’action et de situer celle-ci dans le milieu agricole et rural. Les composantes techniques, économiques, juridiques et sociales de la réalité interviennent de manière significative dans le programme. Le curriculum de l’ingénieur I.S.A.R.A. donne le pas à l’action sur la « spéculation ».
‘« La spéculation est avant tout « disciplinaire », du fait qu’elle vise une intelligence rigoureuse et fondamentale de la réalité, tandis que l’action qui porte sur des aspects de la réalité plus proches de la vie, requiert le plus souvent le concours de plusieurs disciplines. »277 ’La forme de transmission des savoirs mise au service d’une approche pluridisciplinaire de la réalité constitue l’une des composantes fortes de la structure du curriculum.
« Formation pratique », I.S.A.R.A., 1979, p. 8.
Les spécialisations sont le plus souvent au niveau d’une production agricole et non d’une technique particulière.
LAGET (E.) : "Assemblée générale des enseignants", I.S.A.R.A., 1975, 2 p.
RIAUTE (J.) : « Conseil pour l’enseignement et la recherche, note concernant l’orientation de l’I.S.A.R.A. », I.S.A.R.A., 1980, 4 p.
RUSSO (F.) : « La pluridisciplinarité », Etudes, Mai 1973, p. 773.
RUSSO (F.) : op. cit., p. 777.