3.2.3 - Des frontières peu tranchées entre les enseignements et les mises en situation

Une autre caractéristique morphologique du curriculum est son organisation qui favorise l’intégration des cours et des mises en situation.

De la première à la quatrième année, la délimitation entre les enseignements et les mises en situation est de plus en plus faible. En fin de deuxième année, l’objectif du stage est de mettre en pratique les connaissances acquises dans les disciplines techniques et économiques. Effectué en exploitation agricole, il sert à exercer les capacités d’observation, d’analyse et de synthèse et constitue un préalable à l’approche pluridisciplinaire de la réalité. Ainsi, pour plusieurs disciplines (agronomie, zootechnie, gestion de l’exploitation agricole), les enseignements et les mises en situation se trouvent en étroite dépendance.

En 1972, le secteur « Sciences économiques » propose aux étudiants de troisième année une application pluridisciplinaire « Cas Concret d’Économie Rurale », qui se substitue aux visites d’exploitations agricoles.

‘« Les objectifs sont les suivants :’

• donner aux étudiants une vision synthétique de l’exploitation, en leur montrant l’ensemble des éléments qui doivent être pris en compte dans la conduite de cette exploitation, ainsi que leurs interactions ;

• compléter leur formation en leur apportant et en leur faisant utiliser un certain nombre d’outils d’analyse technico-économique et de prévision sur une exploitation agricole ;

• leur donner l’occasion de confronter les connaissances et les méthodes qu’ils ont acquises avec la réalité de l’exploitation agricole ;

• leur permettre d’expérimenter pratiquement : le travail en équipe, la prise d’informations, le contact avec l’agriculteur en vue de lui fournir des propositions concrètes. »²⁷⁸

Finalisée sur le diagnostic et la prévision, cette opération permet l’application de l’analyse systémique pour étudier le fonctionnement de l’exploitation agricole. L’agronomie, l’économie et la recherche opérationnelle en sont partie prenante. Ainsi, de nombreux enseignements se trouvent en interrelations, ce qui réduit les séparations.

En 1981, le « Cas Concret » n’est plus rattaché à un secteur particulier. Outre les objectifs généraux, très proches de ceux qui sont énoncés en 1976, l’opération sert des objectifs spécifiques aux disciplines intéressées : agronomie, zootechnie, économie rurale et prend progressivement une plus grande importance dans le cursus (vingt-huit jours).

A la suite de l’étude approfondie de l’exploitation agricole, les étudiants vont être ‘« associés directement aux travaux de recherches appliquées des organismes agricoles pour assurer un meilleur développement du monde agricole et rural. A ce titre, le travail peut et doit être utile à la profession agricole et plus généralement au milieu rural »’ ²⁷⁹.

La monographie socio-économique, présentée comme un lieu de réflexions pour le développement agricole, les prépare au mémoire de fin d’études. Etape finale du dispositif, il consiste en un travail original de contribution à une recherche appliquée dont l’aspect scientifique et la valeur opérationnelle constituent les deux pôles.

Le directeur du mémoire, le plus souvent chargé de responsabilités dans le secteur agricole et para-agricole, a pour rôle de permettre aux élèves-ingénieurs la confrontation de leurs connaissances et aptitudes avec les conditions qui seront celles de l’exercice d’une activité professionnelle.

‘« Il s’attachera à ce que le travail des élèves ne soit ni purement théorique, ni simplement pragmatique, mais à ce que la recherche aboutisse à des conclusions pratiques. »²⁸⁰ ’

Les enseignants veillent à ce que les conclusions pratiques s’appuient sur des éléments théoriques. Le mémoire, effectué par binôme, aboutit à une soutenance orale devant un jury. Il fait l’objet d’une évaluation unique.

Une demande précise, le suivi régulier du travail des étudiants par une équipe rassemblant des compétences diverses, l’obligation de résultats différencient le mémoire de fin d’études I.S.A.R.A. d’un stage. C’est un dispositif partenarial, associant les futurs employeurs, les enseignants et les étudiants, au sein duquel chacun a un rôle propre. Le suivi sur le terrain des monographies et des mémoires de fin d’études par les enseignants leur confère un rôle de tuteur. Enseignants et étudiants se trouvent face à des situations pour lesquelles ils ont à identifier les problèmes, les formuler et proposer des solutions. Des enseignants de disciplines différentes sont amenés à travailler ensemble.

Lors de son passage dans les six écoles d’agriculture, à l’occasion de la remise des diplômes, en 1975, l’Ingénieur général d’agronomie du ministère de l’Agriculture observe que les mémoires des écoles d’enseignement supérieur agricole privé, ainsi que ceux des E.N.I.T.A., se rapprochent du modèle anglo-saxon. Ils visent une formation méthodologique et sont un moyen d’intégrer les étudiants dans la vie professionnelle.

‘« Le but principal est l’apprentissage de la recherche appliquée. Il aboutit à un travail personnel, original, à la fois bibliographique, économique ou social. Le mémoire a trois objectifs particuliers :’

• le souci d’établir un lien étroit entre l’école et la profession,

• le moyen de faire participer le corps enseignant à des recherches appliquées,

• l’objectif plus pédagogique qui vise à apprécier les aptitudes des étudiants à assurer leur métier d’ingénieur. »²⁸¹

Au fil des années, les trois opérations, cas concret, étude socio-économique et mémoire de fin d’études, prennent de plus en plus d’importance dans la formation. Elles ont un rôle fédérateur, à la fois pour les enseignants et les étudiants.

‘« Pour les permanents, la sociologie, le mémoire et le cas concret, c’était le projet. »²⁸² ’

De 1982 à 1986, une rubrique « activités pluridisciplinaires » présente de manière détaillée les trois mises en situation. Chaque opération permet à l’école d’établir des liens étroits avec la profession agricole et d’entraîner les étudiants au travail de groupe et à la rédaction de rapports et mémoires.

Le caractère professionnel du cursus peut être observé par l’importance des mises en situation, par le fait que les enseignements de techniques appliquées soient dispensés par des représentants des organismes professionnels et par l’association de responsables agricoles au projet de l’école. Les relations entre les enseignants découlent de leur participation à une tâche commune d’enseignement. Mobilisées pour étudier des problèmes concrets, l’ensemble des disciplines des deuxième, troisième et quatrième années entretiennent des relations ouvertes.