- Le mode d’évaluation

Le mode d’évaluation par des contrôles de connaissances, sous forme écrite et individuelle, est le plus utilisé pour les deux premières années. Dans les années suivantes, il porte simultanément sur l’acquisition des connaissances et d’aptitudes, évalué dans le cadre d’opérations pluridisciplinaires (cf. annexe 3, documents n°1 à 4). M. l’abbé Lamberet, directeur des études, en fixe les objectifs, en particulier pour la troisième et la quatrième années.

‘« Le contrôle, qui est à la base de l’évaluation, consiste à vérifier non seulement l’acquisition des connaissances mais aussi, et surtout les aptitudes ainsi que la maîtrise des connaissances, c’est-à-dire la capacité pour un élève de les utiliser correctement et sans erreurs dans une situation donnée sur un problème général ou particulier. Les aptitudes à développer chez l’élève-ingénieur sont les suivantes : capacités d’observation, d’assimilation et de compréhension, d’analyse et de synthèse, de raisonnement, de décision, d’adaptation, de communication, d’animation, de travail de groupe, d’expression écrite ou orale. »287

Lors du passage en année supérieure, la moyenne générale n’est pas le seul critère pris en compte. Pour former des ingénieurs qui soient en mesure de traiter les problèmes variés de l’agriculture, aucun secteur d’enseignement ne peut être négligé, c’est pourquoi la moyenne par groupe de disciplines ainsi qu’un niveau minimum dans chaque discipline sont exigés. (Trois notes inférieures à 6 dans un secteur donné place l’étudiant en situation difficile).

A partir de 1982, l’ensemble des opérations pluridisciplinaires participe au classement des élèves-ingénieurs (cf. annexe 3, documents 3 et 4 : répartition des coefficients par année). La note obtenue pour le « Cas concret » entre dans le calcul de la moyenne de troisième année (coefficient 8 sur 60). L’évaluation des études socio-économiques (coefficient 17/119 soit 14.3% pour les 3e et 4e années) et des mémoires de fin d’études (30 sur 60, en 4e année) porte à la fois sur la capacité à utiliser des connaissances, la rigueur du raisonnement et prend en compte les aptitudes : aptitudes à conduire une action, à travailler en groupe, à établir des relations avec des partenaires professionnels, à animer un groupe de travail. Ces travaux sont appréciés pour l’ensemble du groupe d’étudiants.

Lors de l’élaboration de la « règle du jeu », en 1982, ces principes n’ont pas été modifiés. Il s’agit de principes globaux et communs à toutes les disciplines qui limitent les situations hégémoniques, en particulier à l’intérieur des secteurs. Le programme centré, basé sur une forme de classification des savoirs et un système de découpage faibles, rend possible la prise en compte de capacités personnelles des étudiants. Le travail de groupe a au moins autant d’importance que le travail individuel. Par ailleurs, l’autorité propre de chaque discipline est faible, car la plupart des matières enseignées se trouvent reliées à un objet d’étude commun : l’exploitation agricole, qui définit leurs interrelations. Le curriculum est caractérisé par un degré d’abstraction des connaissances peu élevé, en raison notamment de la subordination du secteur sciences fondamentales aux sciences appliquées et de l’importance accordée à des questions concrètes. Pour la partie professionnalisante du curriculum, les exigences sur les comportements sont au moins aussi fortes que celles qui portent sur les connaissances.

Pourtant, s’il n’y a pas formellement de hiérarchie entre les disciplines, tous les secteurs n’ont pas le même prestige. Celui-ci résulte des modes d’évaluation mais également de leur place dans le cursus et des représentations des enseignants et des étudiants. Au cours des premières années d’existence de l’école, ce sont les disciplines des sciences fondamentales qui ont le moindre prestige. Elles sont jugées par les étudiants « comme un mauvais moment à passer ». L’agronomie et les disciplines connexes font figure de disciplines nobles, car c’est à partir d’elles que l’école trouve sa justification, sa raison d’être. Ce sont elles qui permettent la réussite ou l’échec, en fin de deuxième année. Intervenant en fin de cycle, ainsi que les disciplines du secteur « sciences économiques », elles bénéficient d’un plus grand prestige, car elles préparent directement l’ingénieur à son futur métier.

Sous plusieurs aspects, le curriculum de l’ingénieur I.S.A.R.A. se différencie nettement des curricula académiques, qui reposent sur une stratification rigide des savoirs288 et valorisent l’expression écrite et le travail individuel.

Ingénieur des sciences appliquées à l’agriculture, l’ingénieur I.S.A.R.A. peut être caractérisé par sa capacité à appréhender les problèmes sous leurs multiples aspects : technique, économique, social et juridique. En cela, il est un généraliste, capable d’adaptation et capable de mobiliser des données scientifiques et techniques en tenant compte des réalités de terrain. Cette conception est partagée par les organisations professionnelles agricoles, qui ont toujours besoin d’ingénieurs de terrain. Pour mieux répondre à leurs attentes, l’I.S.A.R.A. s’est mis lui-même au service de la profession agricole. La professionnalisation de la formation et de l’établissement a été envisagée comme le meilleur moyen pour que les élèves-ingénieurs apprennent leur métier, mais également comme solution pour donner à l’école une possibilité de développement. Cette orientation, poussée au plus haut degré, est partagée par tous les enseignants. Elle apparaît comme la seule voie possible pour que l’école puisse sortir du cadre restreint dans lequel elle se trouvait.

Le curriculum, centré sur l’exploitation agricole, ne se limite pas à l’acquisition de savoirs et savoir-faire. Il cherche à faire acquérir au futur ingénieur un certain nombre de comportements et vise la construction de l’identité professionnelle et sociale de l’ingénieur I.S.A.R.A.. Dès la seconde année, le degré de compartimentation entre les secteurs d’enseignement est faible. La démarche analytique se trouve au second plan. Les pratiques des divers secteurs d’enseignement sont homogènes, ainsi que leur mode d’évaluation. Les opérations pluridisciplinaires, proposées dès la troisième année, privilégient une manière de connaître plutôt que l’accès à des stades déterminés du savoir. Elles donnent une plus grande autonomie aux étudiants et offrent de nombreuses occasions de concertation entre les enseignants. Les disciplines et leurs particularités ont une moindre importance. Ce principe central de délimitation faible entre les secteurs d’enseignement s’inscrit dans l’organisation des savoirs, mais aussi dans l’organisation des relations sociales à l’intérieur de l’école. Les rapports entre les enseignants mais aussi entre enseignants et étudiants sont faiblement hiérarchisés.

Notes
287.

LAMBERET (E.) : Proposition d’un schéma sur le contrôle et l’évaluation, I.S.A.R.A., 1975, 2 p.

288.

YOUNG (M.) : Op. cit., pp. 19-46.