- Les agriculteurs : un groupe minoritaire dans la société française

La place des agriculteurs dans la société n’est plus celle que souhaitaient les militants des années 60. L’exode agricole, entraînant l’affaiblissement des sociétés rurales, en constitue le signe le plus tangible. En une génération, de 1955 à 1975, la population active agricole a diminué de plus de la moitié. Le célibat masculin est plus élevé que dans les autres catégories sociales. La population agricole vieillit et ne trouve plus de successeurs.377

Les évolutions démographiques, qui ont largement marqué les années soixante-dix et quatre-vingts, semblent se poursuivre. En 1993, le pourcentage d’actifs agricoles représente 4,8% de la population active et, selon le Centre national pour l’amélioration des structures des exploitations agricoles, ‘« un seul jeune entre désormais dans la profession lorsque quatre agriculteurs partent à la retraite »’ 378. Les paysans, devenus agriculteurs, constituent un groupe minoritaire dans la société française.

A l’affaiblissement des sociétés rurales va succéder ‘« la renaissance rurale »’ 379. Le renversement de la tendance démographique, entre 1975 et 1982, va mettre un terme au dépeuplement des campagnes. Cependant, la population agricole qui, en 1968, représentait 23% de la population des communes rurales, n’est plus que de 13% en 1990380. La présence de nouveaux groupes sociaux dans les zones rurales aura pour conséquence la recomposition des sociétés villageoises d’où il résulte ‘« une situation dynamique, conflictuelle sous des formes latentes ou ouvertes, qui affronte en particulier les agriculteurs, minoritaires dans la population mais majoritaires dans l’espace, à d’autres groupes, et qui produit aussi ses propres effets d’intégration comme de marginalisation »’ 381 .

Néanmoins, l’augmentation globale de la population rurale masque des différences importantes entre les communes, selon qu’elles se situent ou non à proximité des villes grandes, moyennes ou même petites. Pour certaines zones, le déclin démographique persiste, accentuant le mouvement de déprise. Des espaces entiers se trouvent marginalisés tandis que d’autres se trouvent confrontés à un processus d’urbanisation et de recomposition sociale. Ces modifications ne peuvent être dissociées des conditions générales plus larges qui créent le milieu régional382. Quoi qu’il en soit, ‘« par déclin démographique et économique ou par explosion, les communes rurales ont changé d’identité : villages morts-vivants ou banlieues aux champs sont les deux pôles de cette transformation qui a évacué définitivement la ruralité, comme mode de sociabilité » ’ 383 .

Notes
377.

CHOMBART DE LAUWE (J.) : Chap. 4 : « Affaiblissement des sociétés rurales  », L’aventure agricole de la France de 1945 à nos jours, P.U.F., Paris, 1979, pp. 72 - 82.

« En 1975, la population active agricole est composée de 27% de travailleurs âgés de plus de 55 ans (contre 11% dans la population active totale), de 50% de travailleurs de 35 à 55 ans (contre 45%) et seulement 23% de travailleurs de moins de 35 ans (contre 44%). Ainsi, il y a deux fois plus de vieux travailleurs dans l’agriculture que dans l’ensemble des autres activités et deux fois moins de jeunes», p. 74.

378.

HERVIEU (B.) : Les agriculteurs, P.U.F., Que sais-je ?, n°3048, 1996, p. 9.

379.

KAYSER (B.) : La renaissance rurale, A. Colin, Paris, 1990, 320 p.

380.

HERVIEU (B.) : Les agriculteurs, P.U.F., Que sais-je ?, n°3048, 1996, p. 18.

381.

KAYSER (B.) : « Les sociétés villageoises recomposées », MENDRAS (H.) (sous la dir.) : L’agriculture dans le monde rural de demain : A nouveaux enjeux, droit nouveau, La Documentation Française, 1986, p. 11.

382.

KAYSER (B.) : ibidem, p.13.

383.

HERVIEU (B.) : « Une impensable politique ? », Revue Pour, Editions l’Harmattan, Paris, n° 130-131, p. 16.