Après avoir bâti le schéma de progression de la formation en cinq ans, le C.E.R. entame une nouvelle phase de réflexion afin de préciser les domaines des options. L’analyse des thèmes traités par les enseignants dans le cadre du C.E.R.E.F. et des secteurs d’emploi des anciens élèves, fait apparaître des débouchés clairement différenciés.
A sa création, l’I.S.A.R.A. s’est centré sur l’analyse du fonctionnement de l’exploitation agricole. Par les mémoires de fin d’études et les travaux extérieurs, l’école n’a plus pour seul interlocuteur les représentants de la profession agricole. L’observation des différents lieux d’activité des anciens élèves et de leurs fonctions montre, d’une part, trois domaines principaux d’intervention : la production agricole, le milieu rural, l’entreprise et, d’autre part, une grande diversité de fonctions : gestion, encadrement, conseil, animation, études, recherche, etc. C’est à partir de ce constat qu’ont été définis les trois pôles d’approfondissement455 :
- la production agricole, domaine spécifique de la formation ; ce terme regroupe l’exploitation mais aussi les techniques de production et le développement agricole ;
- le développement rural ;
- l’entreprise à la fois sous l’aspect agro-alimentaire et agro-fourniture.
L’I.S.A.R.A. a pris acte du fait que ses ingénieurs ne travaillent pas majoritairement dans le secteur de la production agricole. En s’ouvrant à d’autres domaines, il accepte de former des ingénieurs n’ayant pas tous la même compétence finale, sans remettre en cause les objectifs généraux assignés à l’enseignement.
‘« La formation proposée à l’I.S.A.R.A. cherche à optimiser des capacités de savoir-faire, de savoir-être, de communication en privilégiant l’observation et le raisonnement sur l’accumulation des savoirs. La mise en pratique de ces diverses capacités doit se faire sur des situations variées, dans un « réel » en perpétuelle évolution, qui comportent en plus des facteurs techniques et scientifiques, des facteurs sociologiques et économiques. »456 ’Les déclarations du C.E.R. ont pour toile de fond la crise agricole ainsi que les débats sur les méthodes d’intervention du développement agricole. Elles montrent à quel point les décisions prises, jugées incontournables en raison de l'évolution du marché de l'emploi, mettent en jeu les intérêts symboliques les plus forts.
‘« Le « domaine agricole » demeure l’ossature de la formation, mais les deux autres « secteurs » seront abordés avec leur propre logique et leurs particularités. »457 ’Cette étape est déterminante pour l'évolution de l'école, car l’élargissement de son champ cognitif servira de justification à la mise en marche d’un processus de révision des programmes.
Afin de mettre en correspondance deux univers considérés comme distincts458, le monde professionnel et celui de la formation, les enseignants ont redéfini les compétences professionnelles de l’ingénieur I.S.A.R.A. Trois compétences ont été mises en avant :
- une compétence « Intervention-Action » consiste à élaborer et initier un programme d’intervention à partir d’un diagnostic fondé sur l’observation et l’analyse d’une situation ;
- une compétence « Démarche scientifique » : il s’agit de la capacité à résoudre un problème en développant une démarche rigoureuse, se référant à un corps théorique permettant la formulation d’hypothèses et l’organisation des observations ;
- une compétence « Animation », qui se traduit par la capacité à créer des relations interpersonnelles, animer une réunion, organiser et gérer le fonctionnement de groupes de travail en vue d’une prise de décision et animer un milieu pour favoriser l’émergence de ses aspirations.
A l’exception de la compétence « animation », commune à tous les étudiants, la nature des compétences visée diffère selon les options. L’option « production agricole » associe les compétences « démarche scientifique » et « intervention-action », tandis que les options « entreprise » et «développement rural » privilégient la compétence « Intervention-Action ».459
Pour toutes, l’acquisition d’un niveau de compétences, basée avant tout sur un savoir-faire et non sur des connaissances, s’évalue à partir des mises en situation.
L'élargissement du champ cognitif a été accepté en raison des nouvelles opportunités du marché de l’emploi. Les orientations, fonction des liens que les enseignants avaient établis dans leur pratique quotidienne avec différents groupes professionnels, définissent les nouveaux contours du programme. Toutefois, l’ouverture est accueillie avec réserve, car elle menace le système de décompartimentation que les enseignants avaient élaboré et, par conséquent, l’identité des acteurs.460
« Le cadre de la formation », I.S.A.R.A., 1986, 17 p.
« Le cadre de la formation », I.S.A.R.A., 1986, p.1.
idem, p.2.
DORAY (P.), TURCOT (M.) : Traduction et modes de transformations des programmes de formation professionnelle, Sociologie et Sociétés, Vol. XXIII, 1, 1991, p. 90.
Annexe 1 : « Expression des compétences finales de l’ingénieur I.S.A.R.A. appliquées aux différents domaines d’intervention spécifiques retenus », « Le cadre de la formation », I.S.A.R.A., 1986.
DORAY (P.), TURCOT (M.) : op. cit., p. 93.