- Un moindre encadrement pour les mémoires de fin d’études

La régulation du nombre d’étudiants par option, la clarification des liens entre l’option choisie et le sujet de mémoire ainsi que la question du suivi et du mode d’évaluation ont constitué l’objet de réflexion d’un autre groupe de travail.

Un premier état des lieux précise que l’orientation donnée à la dernière année : domaine d’approfondissement suivi par un mémoire de fin d’études, ne nécessite pas de remise en cause, à condition toutefois de vérifier que, au terme du mémoire, les étudiants aient effectivement les caractéristiques de l’ingénieur généraliste. I.S.A.R.A.

L’évolution de la demande des entreprises, souhaitant de plus en plus de mémoires individuels, pose la question de la répartition entre les départements et de leur encadrement. Celui-ci est ramené à un seul enseignant en raison de l’augmentation du nombre de mémoires.508 Par ailleurs, l’encadrement est envisagé de manière différente selon les sujets des mémoires : pour ceux qui portent sur une recherche pointue, dont le suivi peut être assuré par l’organisme commanditaire ou ceux dont les sujets se trouvent trop éloignés des préoccupations de l’école, le nombre de réunions est ramené de 5 à 2 ou 3.509

L’évaluation commune pour un mémoire effectué par un binôme est conservée, mais la possibilité d’une évaluation différenciée est évoquée. Il est admis que ce principe puisse être mis en application si nécessaire. Toutefois, les critères d’appréciation qui associent l’évaluation du document final, de la soutenance orale et celle de compétences et de comportements (relations avec les représentants des organismes professionnels) ne seront pas modifiés.

Le bouleversement introduit par les options a eu un premier retentissement sur les formes de transmission du savoir. Les relations ouvertes qu’entretenaient les disciplines, en raison d’une référence commune au paradigme du développement, ont été remises en cause. Par conséquent, il n’est plus nécessaire que l’encadrement des mémoires, qui constituait l’un des lieux privilégiés de rencontre entre les enseignants de différentes disciplines, soit maintenu. De la même manière, l’évaluation commune concrétisait l’idée de travail en équipe, qui était autant une méthode de travail qu’une valeur à laquelle les enseignants étaient attachés. L’ouverture du curriculum a fait perdre une partie de son sens à la forme de transmission des savoirs.

La réorganisation pratique du cursus, à partir de 1986-1987, a bouleversé le mode d’agencement des savoirs. Le degré de compartimentation entre les disciplines a augmenté, plus particulièrement pour celles qui contribuaient à la formation professionnelle de l’ingénieur I.S.A.R.A. L’étude du fonctionnement de l’exploitation agricole ayant été rendue optionnelle, l’agronomie, l’économie et la sociologie, qui se trouvaient initialement en interrelations, sont maintenant séparées, car elles n’ont plus d’objet d’étude commun.

Les frontières entre les mises en situation et les enseignements s’accroissent : le stage en entreprise de quatrième année n’est pas le prolongement direct d’un groupe de matières ; le principe de cohérence entre les différentes mises en situation qui avait présidé à l’élaboration du premier curriculum (cas concret, étude socio-économique et mémoire) est délaissé.

La stratification des savoirs reste faible. Les enseignants ont déployé de multiples stratégies pour maintenir le statu quo. De 1976 à 1989, la comparaison des volumes horaires, du nombre de matières enseignées et de la répartition des coefficients donnent une impression d’adaptation plus que de bouleversements. (cf. annexe 2, document 1). Notons que la comparaison des volumes horaires est, à elle seule, très insuffisante pour appréhender les transformations du curriculum. Les appellations des différentes rubriques de classement ne changent pas, en revanche leurs contenus varient. Ainsi, pour les données de 1989, la diminution du volume horaire du secteur « Economie » est liée à la suppression des cours de droit et du cas concret. L’augmentation du secteur « Sciences humaines » peut surprendre. Elle résulte d’une plus grande place donnée aux enseignements de langues et d’une prise en compte du temps consacré à l’étude socio-économique, tandis qu’auparavant celui-ci n’était pas comptabilisé.

Pourtant, l’identité de l’ingénieur pluridisciplinaire et polyvalent apparaît de plus en plus menacée. Durant cette période, les divers groupes d’enseignants ont eu à faire face à des forces contradictoires. Les unes s’appuient sur certains principes du curriculum intégré jugés porteurs de l’identité de l’école, tandis que les autres visent à harmoniser le cursus de l’ingénieur I.S.A.R.A. à celui des autres écoles d’agriculture. Les débats reflètent ces tensions plus qu’ils ne traduisent une approche de la formation de l’ingénieur en agriculture renouvelée. Le malaise qui traverse l’école s’exprime principalement de trois façons :

- la première, sans doute la plus sensible, concerne le rôle de l’enseignement agricole dans le curriculum. L’agronomie et la zootechnie ont été, jusqu’alors, au coeur de la formation de l’ingénieur I.S.A.R.A. Les enseignements s’inscrivaient dans la perspective de l’analyse systémique et trouvaient une cohérence par l’étude de l’exploitation agricole. En rendant optionnelle une partie du « cas concret », l’école exprime sa volonté de rompre avec les orientations données à cet enseignement. La faible attention accordée aux conclusions du rapport de 1989 sur la place des productions agricoles dans l’enseignement confirme cette position. L’étude de l’exploitation agricole se justifiait principalement en fonction des emplois visés par les futurs ingénieurs. A la fin des années quatre-vingts, le contexte agricole a radicalement changé et le besoin d’ingénieurs pour le développement agricole a diminué. L’analyse approfondie de l’exploitation ne présente plus le même intérêt pour ceux qui souhaitent s’orienter vers le secteur agro-alimentaire et le développement de l’école ne dépend plus entièrement des liens établis avec la profession agricole.

- la deuxième porte sur les formes de transmission des savoirs. Le tutorat a été mis en place pour les trois opérations qui constituaient naguère « le projet de l’école ». La mise en situation pour apprendre, dans le cadre d’un dispositif partenarial, répondait aux exigences d’une approche pluridisciplinaire de la réalité, dont la finalité était de traiter des questions liées au développement de l’exploitation agricole, unité de vie sociale et familiale. Elle devait permettre aux étudiants d’utiliser des connaissances en situation afin d’acquérir des compétences. Désormais, le développement est abordé sous l’angle économique par l’option « Développement rural », aussi n’y a t-il plus de raisons de maintenir un encadrement, garant de l’ouverture entre les disciplines.

- la place à donner à la sociologie dans le curriculum est un sujet toujours abordé en lien avec l'étude socio-économique. Pour certains, le dispositif de formation sociologique est associé à la figure de l’ingénieur du développement agricole. Il a fait son temps ; aussi convient-il de le rendre optionnel ou de lui donner d’autres fonctions. Pour d’autres, il est une manière d’apprendre aux étudiants à analyser une réalité sociale et, à ce titre, il trouve un intérêt. Ces opinions révèlent la situation paradoxale dans laquelle se trouve la sociologie. Elle devient, en quelque sorte, prisonnière du dispositif de recherche-action, qui a perdu ses finalités, mais conserve ses qualités pour la formation des ingénieurs. Les moyens mis en oeuvre risquent de se finaliser, et cela au détriment de la sociologie elle-même, qui rencontre de réelles difficultés à s’affirmer en tant que discipline.

Le modèle initial se délite ; les présupposés idéologiques qui ont prévalu aussi bien à l’intérieur de l’école qu’à l’extérieur ne servent plus à guider l’action.

Notes
508.

« Cinquième année - options, modules et mémoires », I.S.A.R.A., 1990, 3 p.

509.

idem, 3 p.