3.2.1 - La diversification des profils de l’ingénieur I.S.A.R.A.

Suite logique de l’élargissement du champ cognitif, la première contribution, élaborée à partir d’entretiens auprès d’un petit groupe d’enseignants, a pour but de définir la base de la formation.

La question ‘« Quel est l’axe fédérateur de la formation : l’exploitation agricole ou le produit ? »’ obtient, cette fois, une réponse sans ambages : ‘« avoir comme axe fédérateur le produit agricole. Ni l'exploitation agricole, ni la production agricole, mais le produit agricole. »’ 511

‘« Les processus de transformation des produits le long de la chaîne qui va de l'énergie solaire au produit consommable dans l'assiette »’ 512 constituent la base de l’enseignement.

L’existence du rapport « optimum de la formation agricole » est rappelé, mais il n’est pas considéré ‘« comme base de discussion pertinente parce que les conclusions établissent une correspondance trop étriquée entre production agricole, techniques agricoles et exploitation agricole »’.513

‘« Un accord apparemment général »’ s’établit autour du nouvel axe fédérateur.

‘« L’enseignement doit aboutir à la compréhension du cycle du produit agricole et à l’intervention sur ses différentes composantes. »514

L’argumentation s’appuie principalement sur l’évolution du marché de l’emploi. Les emplois dans les entreprises, en amont et en aval de l’exploitation agricole, sont en nette augmentation. La compétence que l’ingénieur I.S.A.R.A. peut mettre en valeur tient essentiellement à sa connaissance du produit agricole sur l’ensemble du cycle. Par ailleurs, si les techniques de production agricole et l’exploitation restent un champ d’action privilégié, ce sera, de plus en plus, en étroite symbiose avec l’amont et l’aval, dans toutes leurs composantes : techniques, économiques, sociales, institutionnelles.515

La base de l’enseignement est définie par ‘« les connaissances fondamentales de la partie biologique du cycle du produit agricole. Elle inclut : les sciences biologiques, la chimie, la physique et les mathématiques, les connaissances fondatrices des technologies correspondantes utilisées en production et en transformation, soit l'agronomie (au sens large) et la technologie agro-alimentaire. »’ 516

Les lieux d’application se situent désormais à plusieurs niveaux : les unités de production (exploitations agricoles ou entreprises agro-alimentaires), unités de recherche ou d’expérimentation ou encore, à un troisième niveau : institutions, collectivités locales, etc. L’exploitation agricole devenant ‘« un terrain d’application parmi d’autres »’ 517, son rôle fédérateur des enseignements scientifiques et techniques est remis en cause.

De nouveaux champs d’application se font jour, en lien avec les transformations de l’agriculture. Ce sont les filières, l’environnement et la qualité des produits, qui réclament également des approches interdisciplinaires, terme qui se substitue à celui de pluridisciplinaire sans que soit précisé en quoi ces deux termes se différencient. La commission propose que ces thèmes fassent l’objet d’options en quatrième année. Elle suggère que, à moyen terme, les opérations pédagogiques centrées sur l’exploitation agricole soient réduites et s’interroge sur la pertinence des deux stages en exploitation de première et deuxième années.518

Ce changement transforme radicalement le curriculum, car il va à l’encontre d’un programme centré et bouleverse l’organisation du savoir, la hiérarchie entre les disciplines et leur degré de compartimentation. Les disciplines n’ont plus d’objet d’étude commun ou, en tout cas, l’axe fédérateur est si vaste qu’une démarche pluridisciplinaire pour la partie tronc commun n’est plus envisageable. En retenant le produit agricole, l’école s’est donnée la possibilité de former des ingénieurs aux profils très divers, sans qu’il soit nécessaire de parler de spécialisation ni pour l’établissement, ni pour les étudiants.

En 1992, le profil de l’ingénieur I.S.A.R.A. est redéfini.519. Les finalités ne font plus référence à la dimension éducative de la formation et le lien entre l’école et les Facultés Catholiques se limite à son volet juridique. La formation dispensée à l’I.S.A.R.A vise à satisfaire les besoins en ingénieurs généralistes des professions liées à l’agriculture en matière d’emplois, de niveau de connaissance, de savoir-faire et de capacité d’adaptation.

‘« Le profil de la formation est pluridisciplinaire et progressive, scientifique et professionnalisante, généraliste et spécialisée. La formation couvre un champ diversifié mais centré sur les différents aspects et étapes du « produit agricole » : production végétale, production animale, fonctionnement de l’exploitation agricole, transformation et commercialisation des produits, stratégie des entreprises, développement agricole et rural. Cette diversité est nécessaire pour former de bons généralistes des questions agricoles. Elle fait des ingénieurs I.S.A.R.A. de véritables spécialistes, car capables de mobiliser la plupart des connaissances nécessaires pour traiter correctement un problème agricole, qu’il relève de la production ou de son aval, comme de son environnement naturel ou socio-économique. »520

Le profil de l’ingénieur I.S.A.R.A., tel qu’il est défini, n’est pas vraiment satisfaisant, car il semble conserver certains traits de sa physionomie initiale. Pourtant, les mots - généraliste, pluridisciplinaire, polyvalent - et ce qu’ils recouvrent n’ont plus exactement le même sens, car le système dans le quel ils s’insèrent a largement été modifié.

Notes
511.

"Évaluation du cursus - Base de la formation", I.S.A.R.A., 1991, p.1.

512.

idem, p. 2.

513.

idem, p. 1.

514.

idem, p. 2.

515.

idem, p. 2.

516.

idem, p. 1.

517.

idem, p.2.

518.

idem, p.2.

519.

I.S.A.R.A. : Plaquette de présentation de l’école, 1992.

520.

I.S.A.R.A. : idem, pp. 4 - 5.