3.3.1 - Une mise en situation en lien avec les enseignements méthodologiques

Au cours de l’année 1988, la direction des études avait constitué un groupe de travail réunissant les enseignants de statistiques, informatique, marketing et sociologie. Sa mission était de réfléchir aux moyens à mettre en oeuvre pour une formation plus complète à la méthodologie de l’enquête. La maîtrise des méthodes d’enquête quantitative est jugée insuffisante, lorsque les étudiants ont à effectuer des études commerciales en quatrième ou cinquième année. Pour compléter les acquis de l’étude socio-économique qui familiarisent les étudiants avec les enquêtes qualitatives, le groupe décide de mettre en place un nouvel enseignement sur les enquêtes quantitatives, en troisième année (20 heures de cours et 30 heures de travaux dirigés). L’organisation en est confiée aux enseignants de sociologie, qui ont pour mission de construire ce module, tout en sollicitant les compétences nécessaires à sa réalisation. Pour des raisons de temps d’encadrement, seul le cours sera dispensé.

Suite aux observations de la commission des titres, sur la place trop importante accordée à la sociologie, les enseignements « Méthodologie de l’enquête quantitative » et « Méthodologie de la démarche de recherche en sciences sociales » ont été regroupés, dès 1991, en un seul module dit « Méthodologie de l’enquête ». Toutefois, cet enseignement reste rattaché aux sciences humaines.

Cette décision a des répercussions sur l’ensemble de la formation sociologique en introduisant des tensions, en particulier parce que l’étude socio-économique est en lien avec la sociologie et la méthodologie de l’enquête. Le dispositif voit ses finalités compromises. Dans le contexte où il se trouve, il apparaîtra comme une instrumentation de plus au service de la formation scientifique et technique de l’ingénieur.

Par ailleurs, la direction de l’école proposa au secteur « Sciences sociales » de ne maintenir qu’un seul enseignement de sociologie en quatrième année : sociologie du développement ou sociologie des organisations. Le choix ne fut pas aisé car les deux modules n’avaient ni les mêmes finalités, ni le même objet d’étude. Les enseignants, tenant compte des évolutions les plus récentes de l’école, abandonnèrent le module sociologie du développement, sans très bien savoir comment la réflexion pourrait faire suite au travail d’observation.

Le cours de sociologie des organisations voit son volume horaire porté à vingt-quatre heures. Il doit se prolonger par un travail personnel d’observation et d’analyse, en lien avec le stage en entreprise. Les objectifs du stage en entreprise ont servi à argumenter le choix.

‘« Pendant ce stage d’une durée minimale de douze semaines, les étudiants découvrent la vie quotidienne d’une entreprise et s’intéressent plus particulièrement à son organisation et à son fonctionnement. Par ailleurs, un travail d’analyse permet d’approfondir un thème lié à l’activité de l’entreprise. »526

Le cours est construit à partir de l’analyse stratégique de Michel Crozier. La grille d’analyse, proposée aux étudiants pour décrire le secteur où ils se trouvent pendant le stage, a été empruntée à Philippe Bernoux.527 Ce cours fait partie de l’enseignement « tronc commun » ; il se trouve placé en quatrième année, avant que certains étudiants quittent l’école pour effectuer un semestre de leurs études dans une université étrangère.

Lors de la réflexion sur le dispositif de formation entamée en 1991, une commission reprend le thème « Place des opérations pédagogiques spécifiques dans le cursus ». Parmi les questions posées, trois concernent l’étude socio-économique : doit-elle rester « mono-disciplinaire », « mono-méthode » ? tous les étudiants doivent-ils pratiquer cet exercice ? Peut-on imaginer des études socio-économiques associant des enseignants de plusieurs disciplines et permettant du même coup de rééquilibrer la charge de travail de l’encadrement528 ?

La remise en cause du rôle de la sociologie et, plus particulièrement, de l’étude de terrain fait partie des présupposés des questions. La démarche de l’enquête qualitative est jugée trop prégnante dans la formation de l’ingénieur I.S.A.R.A. Ainsi, lors du mémoire de fin d’études, un trop grand nombre d’étudiants imagine difficilement d’autres modes d’approche de la réalité que celui qu’ils ont découvert au moment de l’étude socio-économique.

Le groupe est sollicité pour trouver une ou des opérations de remplacement, mais les discussions s’enliseront pendant plusieurs mois dans l’étude de plusieurs scénarios,529 sans parvenir à un consensus. Néanmoins, les tensions sont si fortes que le statu-quo est inacceptable. La seule issue possible consiste, dès lors, à modifier l’opération existante. Ce sera la mission d’un groupe de travail « Méthodes », la terminologie évoquant clairement les nouvelles finalités de l’étude socio-économique. Les enseignants d’agronomie, d’économie, de statistique, de marketing et de sociologie, une nouvelle fois réunis, cherchent à identifier les divers apprentissages liés à la mise en place de l’enquête et à montrer l’intérêt d’une démarche pluridisciplinaire. En avril 1993530, ils parviennent à l’accord suivant :

‘« La proposition retenue maintient la formation sociologique, avec mise en situation pour tous et l’articule avec les méthodes quantitatives. Le choix effectué limite ces méthodes d’enquête au champ socio-économique orienté sur le « développement ». Cependant, d’autres types d’enquête, d’autres types de questions devront alimenter l’enseignement en amont de la mise en situation. »531

L’amélioration de la maîtrise des méthodes d’enquête est envisagée par :

  • le renforcement de l’enseignement général relatif à l’enquête ;

  • une mise en situation qui, tout en reprenant les éléments pertinents de l’actuelle étude socio-économique, doit permettre une bonne articulation des méthodes qualitatives et quantitatives, après une phase de choix, par les étudiants, d’une démarche propre à chaque sujet.

Les éléments pertinents de l’actuelle étude socio-économique reconnus par l’école sont ‘« le travail de groupe, la relative autonomie, la réponse à une demande externe, la pratique de l’enquête semi-directive, la rédaction d’un document »’.532

Cette proposition ne résout que partiellement les problèmes de formation méthodologique des étudiants. L’expérimentation et la modélisation ne sont pas étudiées de manière approfondie. Par ailleurs, l’application de l’enseignement méthodologique reste attaché à un domaine, au sens large le milieu rural, ce qui va à l’encontre des choix de départ. L’organisation de l’étude de terrain à caractère méthodologique est confiée aux enseignants de sociologie et de statistiques, qui sont chargés de préciser :

  • le contenu de l’enseignement de troisième année, de manière à donner une plus grande place à la méthodologie ;

  • le contenu de la mise en situation, notamment l’articulation entre l’approche quantitative et l’approche qualitative, le temps consacré à l’analyse de contenu des entretiens de type semi-directif...

et une nouvelle terminologie pour l’opération.533

Au terme de ces débats, la place et le rôle de la sociologie dans le curriculum se trouvent contestés. La sociologie est surtout sollicitée pour sa capacité à faire acquérir aux étudiants la maîtrise des processus d’enquête. Dans le nouveau dispositif, le questionnement de type sociologique ne présente plus le même intérêt, car la finalité première de l’étude de terrain est l’acquisition d’un savoir-faire méthodologique.

Notes
526.

« Sociologie des organisations - Exposé des motifs », Secteur Sciences sociales, I.S.A.R.A., 1989, 2 p.

527.

BERNOUX (Ph.) : La sociologie des organisations, Seuil, col. Points, 1985, pp. 367-374.

528.

« Évaluation du cursus : opérations spécifiques : quelques questions », I.S.A.R.A., 1991, 2 p.

529.

« Evaluation du Cursus, Opérations pédagogiques spécifiques », I.S.A.R.A., 1992.

530.

« Cursus, où en sommes-nous ?  », I.S.A.R.A, 1993, 4 p.

531.

Idem, p. 2.

532.

« Opérations pédagogiques spécifiques », I.S.A.R.A., 1991, 2 p.

533.

« Cursus, où en sommes-nous ? », I.S.A.R.A., 1993.