2.1.2 - Un enseignement théorique qui retient peu l’attention

Les souvenirs que les ingénieurs I.S.A.R.A. ont gardé de leur formation en sociologie sont, dans leur ensemble, plutôt positifs (tableau n°6).

La sociologie est avant tout perçue comme une ouverture dans la formation scientifique et technique.

‘« Cette formation m’a permis une bonne ouverture d’esprit par rapport au monde qui nous entoure : s’il y a un monde économique, un monde politique, un monde technique ... pour moi, il y a avant tout des hommes qu’il est bon de connaître et de comprendre. » (n°12, 4ème promotion)’ ‘« C’est une autre approche des problèmes agricoles, plus centrée sur l’homme, par opposition à notre formation scientifique centrée sur la matière. »(n°23, 9ème promotion)’ ‘« C’est un ballon d’oxygène. C’est une ouverture sur les réalités sociales. Enfin, après deux années de formation à l’I.S.A.R.A, l’agriculture ne nous est plus seulement présentée comme un ensemble de techniques de production, c’est aussi un milieu social (et économique, autre notion abordée en troisième année). » (n°87, 22ème promotion)’

La formation sociologique et la formation scientifique et technique constituent deux ensembles a priori disjoints, et leur rencontre n’est pas attendue dans le cadre d’une formation d’ingénieurs.

‘« La sociologie faisait partie du « folklore » des études supérieures. Plus sérieusement, c’est peut-être la seule matière dont je me souvienne bien, car elle m’a permis de structurer mon environnement et donné des outils d’analyse. » (n°3, 2ème promotion)’

Par ordre d’importance sont évoqués la mise en situation, les enseignements de sociologie et enfin, dans une moindre proportion, les enseignements de méthodologie (tableau n°7). 46 réponses ne font allusion qu’à un seul aspect de la formation.

Tous les cours sont mentionnés, sans que l’un d’entre eux prenne plus de poids : le cours introductif (17 personnes), la sociologie rurale (12) et le fonctionnement d’une organisation (12). A l’exception de quelques réponses indiquant des apports spécifiques, ‘« La sociologie des organisations : très utile pour prendre du recul sur les expériences professionnelles »’ (n°82, promotion n°21), la plupart citent le cours ou le nom de l’enseignant.

Quel que soit le champ sociologique : sociologie rurale ou sociologie des organisations, la répartition des réponses des ingénieurs formés en cinq ans ne se distingue pas de celle de leurs prédécesseurs.

Les opinions traduisent les difficultés que rencontre l’enseignement de la discipline auprès d’un public d’élèves-ingénieurs. Les cours sont jugés rébarbatifs, trop théoriques et leurs objectifs mal définis. Leur utilité n’est pas toujours bien perçue.

‘« Quelques vagues souvenirs, peu précis, mais une impression terne » (n°18, 8ème promotion).’ ‘« Une formation théorique qui n’avait pas retenu mon intérêt, des cours magistraux difficiles » (n°81, 21ème promotion).’

Le faible investissement des étudiants et la difficulté à porter attention à l’enseignement théorique ont été plusieurs fois notés : ‘« Une matière qui peut être appréhendée de façon légère par des élèves issus de filières scientifiques »’ (n°96, promotion n°23).

La discipline ne fait pas partie du champ de pensée habituel des ingénieurs ; par conséquent, elle se trouve immédiatement confrontée à la question : « à quoi ça sert ? ». Le manque d’intérêt de la mise en situation n’est relevée que deux fois, d’ailleurs pour des raisons proches de celles qui sont évoquées pour les cours : ‘« Une formation trop théorique, trop déconnectée de nos attentes, une formation pratique, l’étude socio-économique, jugée intéressante après coup, mais peu impliquante sur le moment, car trop déconnectée de nos attentes à court terme : à quoi ça sert ? » ’(n°36, promotion 14).

Le cours magistral et le travail personnel, acceptés et jugés légitimes pour les autres disciplines, ne le sont pas nécessairement pour la sociologie. Les ingénieurs auraient souhaité un enseignement ‘« plus concret », « plus pratique »,’ qui fasse appel ‘« à des méthodes plus actives », « afin d’éviter le blocage, le faible investissement des élèves ».’ S’agit-il d’une attente spécifique aux étudiants de l’I.S.A.R.A.? Leurs opinions traduisent à quel point ‘« la partie la plus délicate : faire prendre conscience et susciter l’intérêt pour la matière » ’(n°44, 15ème promotion), constitue un enjeu réel pour les enseignants.

Les avis exprimés sur l’ensemble du dispositif mettent en lumière la nécessité d’une articulation théorie pratique. Vingt ont répondu en comparant les cours et la mise en situation, en faveur de cette dernière.

‘« La partie cours a été fastidieuse... A l’inverse, l’étude socio-économique m’a beaucoup intéressé » (n°44, 15ème promotion).’ ‘« J’ai apprécié l’enquête socio-économique : travail de groupe, rencontre de gens, écriture. J’ai peu de souvenirs des cours, peut-être sont-ils utiles ? » (n°47, 15ème promotion).’ ‘« A la fois intéressante intellectuellement pour l’outil opérationnel que procure l’étude socio-économique, mais aussi trop dispersée et parfois confuse : l’articulation entre les cours et l’étude socio-économique n’est pas toujours évidente » (n°79, 21ème promotion).’

L’enseignement théorique semble ne prendre sens qu’une fois le travail de terrain accompli.