2.2.2 - Etre capable d’analyser une situation

Pour 30 ingénieurs, le savoir-faire, rattaché à la formation en sociologie, réside dans une capacité à analyser une situation, une capacité ‘« à prendre de la distance entre le dit et le non dit », « à appréhender le monde tel qu’il est et non tel qu’on le perçoit », « à prendre de la distance par rapport à la sociologie spontanée ».’

Plusieurs réponses signalent la difficulté à citer des concepts sociologiques.

‘« Il me serait difficile de pointer précisément des concepts particuliers de la sociologie, mais il s’agit plutôt d’une attention permanente sur l’influence des déterminants sociaux dans une pratique professionnelle. » (n°41, promotion 14)’

Les apports de la discipline dans l’exercice du métier sont plus facilement exprimés. La formation sociologique, telle qu’elle a été vécue par les ingénieurs de l’I.S.A.R.A., génère une attitude et une capacité d’analyse qui vont influencer la manière d’exercer le métier d’ingénieur.

‘« Il m’est difficile de parler de notions, mais pour moi, les capacités d’analyse de tout ingénieur ont de grands racines dans les sciences humaines d’un point de vue général... En Afrique, un ingénieur est rarement bloqué par des problèmes techniques. » (n°25, 10ème promotion).’ ‘ « Beaucoup plus que des connaissances, c’est une attitude avec les gens qui me semble importante (que j’ai appris notamment avec les travaux de groupe), et une manière d’appréhender la réaction des gens, leur capacité à évoluer. » (n°66, promotion 19).’

Au sein d’un groupement professionnel (4), dans une entreprise (7), dans le secteur des études ou du conseil (6) ou dans d’autres domaines (6), les ingénieurs585 indiquent qu’ils se trouvent confrontés à des problèmes humains et sociaux, qu’ils doivent savoir résoudre.

‘« Plus que des connaissances, avec le recul, l’enseignement en sociologie m’a permis d’avoir un minimum de compréhension sur le comportement de l’homme. En tout cas quelles que soient les analyses, les actions menées, ne jamais oublier d’intégrer l’environnement social... cela évite de « trop se casser la figure. » (n°19, promotion n°8).’

La dissociation opérée précédemment entre formation sociologique et formation scientifique et technique n’apparaît plus. Les apprentissages de méthodes de recueil et d’analyse des données trouvent leur intérêt dans la mise en situation elle-même. Que ce soit pour comprendre le milieu agricole, le milieu rural ou l’entreprise, les savoir-faire jugés utiles portent sur l’analyse de la logique des acteurs, les rapports entre l’individu et les groupes et les rapports entre groupes. La formation pratique donne la possibilité d’une meilleure compréhension des réalités sociales.

‘« Un travail de groupe avec une obligation de concessions et une approche des différentes réalités perçues. Une révélation en ce qui concerne le jeu d’acteurs et des débats passionnés. » (n°24, 9ème promotion)’

La composante humaine et sociale du métier d’ingénieur n’est pas considérée comme une donnée à part, qui serait réservée à d’autres spécialistes, mais fait partie intégrante de la fonction.

Les ingénieurs, qui mettent en avant la capacité d’analyse, ont, par ailleurs, exprimé des points de vue favorables à la formation sociologique. 23 sur 30 la jugent très importante (question 3) et 27 voient positivement la formation dont ils ont bénéficié (seuls 3 sur 30 avaient une opinion négative à la question 1, contre 19 au total).

Ces réponses peuvent être mises en perspective avec des opinions opposées ‘« Contrairement aux sciences fondamentales, la sociologie s’apprend plus sur le terrain qu’en cours »’ (n°73, promotion n°20), ce qui suggère une interrogation : la formation sociologique parvient-elle à trouver un écho auprès des étudiants ayant un a priori négatif à l’égard de la discipline ? Nous ne disposons pas d’élément de réponse, mais le propos d’un ingénieur semble renforcer la question : ‘« ceux qui en ont le plus besoin n’en perçoivent pas forcément la nécessité » ’(n°57, promotion n° 18).

Notes
585.

Les 30 réponses concernent 23 hommes et 7 femmes. La répartition par secteur d’activité est la suivante : exploitation : 2, groupement professionnel : 4, crédit : 1, entreprises : 7, enseignement : 4, études : 6, autres : 6, sans profession : 2.