1. Le Fonctionnement De L’intelligence

Selon le système explicatif en vigueur à PRH, la caractéristique la plus importante de l’intelligence est de donner à la personne la possibilité de s’approprier son vécu externe et interne afin d’accroître peu à peu la conscience qu’elle a d’elle même et de ce qui l’entoure. Sa seconde fonction, qui concerne sa capacité de raisonner et de construire des argumentations logiques, prend toute sa valeur dans la mesure où elle se met au service de l’être. En effet, d’après le système explicatif PRH, une intelligence juste et équilibrée permet de comprendre en profondeur le monde et les hommes ; elle demeure reliée à la réalité et lui reste fidèle. Elle garde un caractère concret même si elle peut être conceptuelle, dans la mesure où elle ne correspond pas à une fuite de la réalité ni à une représentation erronée de cette dernière.

Cependant, s’il importe de tendre vers cette harmonie de l’intelligence, il n’en demeure pas moins que l’imperfection de la nature humaine présente de difficiles obstacles à cette réalisation. Ainsi les diverses représentations que chacun se forge de sa réalité intérieure et extérieure se construisent au sein d’un milieu déterminé, influencées par l’opinion d’autrui et par les conclusions tirées de sa propre expérience. Elles sont pour le moins fragiles, et relativement fiables.

De plus, la construction de la personnalité peut être perturbée par l’idéal que l’entourage présente à chacun comme étant le but à atteindre.

L’idéal est le fruit des attentes des autres, tout autant que des ambitions démesurées du moi-je et des aspirations réelles de l’être. Il peut devenir source d’aliénation et de perturbations s’il est par trop irréaliste et créateur d’illusions, donc de désillusions virtuelles. La personne ne se construit plus alors en fonction de ses désirs et de ses capacités, mais en fonction d’une image survalorisée d’elle-même, qu’elle cherche désespérément à atteindre.

En outre, il existe deux fonctionnements révélateurs d’une intelligence perturbée.

Le fonctionnement cérébral commence dès lors que l’intelligence se met à vivre sans être reliée à une réalité expérimentée. La personne qui se laisse entraîner dans ce mécanisme entre dans des élucubrations sans fin, et élabore des argumentations logiques et rationnelles (souvent destinées à justifier un mauvais comportement) mais dépourvues d’authenticité, puisque n’étant pas en rapport avec une vérité dérivée de l’expérience.

Ce fonctionnement est propice à l’éclosion des systèmes de pensée totalitaires et fermés sur eux-mêmes :

« Chez certains, ce fonctionnement cérébral s’est installé à demeure. A les écouter, ces gens là donnent l’impression
de planer
de refaire le réel avec des idées toutes faites (...)
leur timbre de voix tend à s’élever
leur débit de parole est accéléré
Ils n’écoutent guère semble-t-il. Ils donnent l’impression d’être enfermés dans leur monde d’idées. (...) D’où un certain sectarisme, une intolérance de pensée. (...) Ebranler leur système de pensée, c’est les ébranler tout entier »
18 .

A l’opposé se trouve un autre fonctionnement, l’atonie de l’intelligence.

Il existe particulièrement chez les personnes qui doutent de leurs capacités intellectuelles, dans quel que domaine que ce soit ; il se manifeste par une inhibition de la parole, une paralysie de la faculté de compréhension et une sensation d’obscurité et d’ignorance caractéristiques. Cependant, « cette atonie de l’intelligence n’a rien à voir avec le quotient intellectuel »19 ni avec la capacité réelle de la personne à réfléchir et à comprendre.

En effet, les deux fonctionnements envisagés (nommés aussi dysfonctionnements), comme tous les fonctionnements dysharmonieux, sont les conséquences indirectes de souffrances du passé. Ils sont généralement dus à des phénomènes de compensation, de défense, destinés à préserver l’équilibre instable que la personne s’est construit pour se protéger des dangers potentiels du monde extérieur. Ils sont la plupart du temps enfouis dans l’inconscient ; le travail de l’analyse PRH consistera à les conscientiser, avec l’aide de l’accompagnateur, afin de nommer la cause de la blessure originelle et d’évacuer cette dernière.

De plus, pour surmonter ces obstacles, il est conseillé de faire grandir en soi le goût de la vérité qui existe au niveau de l’être :

« Si celui-ci est pris en considération, il peut contrebalancer les tentations de fuite du réel auxquelles l’intelligence est soumise.  Ce goût de la vérité grandit à mesure qu’on décide de lui être docile. Et c’est ainsi qu’avec le temps, la vérité sur soi, comme la vérité sur les faits et la vérité sur les personnes, devient plus importante que tout. Alors, on ne triche plus avec le réel, on ne biaise plus avec les découvertes que l’on fait. L’intelligence prend goût à la vérité. Elle en a faim. Et pour cela, elle colle au réel, c’est à dire elle fonctionne de manière ajustée » 20 .

Ainsi, l’intelligence est en mesure de remplir son rôle de conducteur lucide de la personnalité, ‘« elle a à rejoindre le réel, à le connaître de mieux en mieux pour que la liberté puisse décider en connaissance de cause et avancer sur la terre ferme du réel »’.21

D’autre part, il semble que les fonctionnements ajustés ou déséquilibrés de la liberté s’inscrivent aussi dans le moi-je. 011

Notes
18.

Note d’Observation, L’intelligence et ses fonctionnements, Poitiers, PRH, 1989, p. 3.

19.

ibid., p. 4.

20.

ibid., p. 2.

21.

ibid., p. 2.