2. La Sensibilité

Elle est le réservoir des sensations passées, positives ou négatives ; elle mémorise tout et permet de recevoir par les sens les harmonies esthétiques ou spirituelles du monde, ainsi que ses dysharmonies. André ROCHAIS en donne une définition complète :

« La sensibilité est comme un fluide conducteur dans lequel « baignent » l’être et le moi-je. Par la sensibilité se transmettent :
- les messages venus de l’extérieur par les sens, la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher,
- ceux qui émanent de l’être,
- ceux qui partent du moi-je.
La sensibilité est comme une bande enregistreuse qui garde trace de tous les événements qui affectent la personne, et ceci depuis le sein maternel. Le support physiologique de cette bande magnétique est le système nerveux :
- ce qui est harmonieux laisse des traces harmonieuses
- ce qui est dysharmonieux laisse des traces dysharmonieuses sous forme de peurs, d’angoisses, de colère, de crispation, de nervosité, etc.
La sensibilité peut être comparée, dans certains cas, à une caisse de résonance. Alors, elle amplifie les événements extérieurs et les messages émanant de l’être et du moi-je
Dans d’autres cas, on pourrait la comparer à un miroir déformant. Alors elle ressent de travers, elle gauchit les événements et les messages intérieurs »
36 .

En effet, la sensibilité a plusieurs rôles et des fonctionnements divers. Elle vit parfois de manière désordonnée et excessive. Les personnes qui ont un « fonctionnement sensible » dominant se laissent facilement déstabiliser ou émouvoir par un événement qui les affecte. Elles ont tendance à confondre les élans de leur sensibilité avec les aspirations profondes de leur être. Elles recherchent les vibrations de leur sensibilité et peuvent s’y complaire en exaltant leurs souvenirs, en se gorgeant de sensations nostalgiques.

Certaines personnes ont plutôt tendance quant à elles à vivre un fonctionnement dit « compensatoire » ou plus communément appelé « rêverie ». Ce fonctionnement est :

‘« proche du fonctionnement sensible par le fait que la sensibilité prend également la première place et domine la personne (...) Il peut répondre à deux besoins :
  • quand la sensibilité est douloureuse, la rêverie est un moyen que se donne la personne pour fuir sa souffrance et se réfugier dans un monde imaginaire où tout se passe pour le mieux, c’est à dire comme elle aurait aimé que le réel soit. Ce fonctionnement est un moyen de survie qu’emploient certaines personnes affrontées à de grosses épreuves ou ayant un lourd passé douloureux.

  • Ce fonctionnement peut aussi se déclencher à partir d’une effervescence de la sensibilité de type positif. La rêverie fait alors décoller la personne de la réalité en lui procurant un surcroît de plaisir. Celle-ci se forge un monde imaginaire dans lequel ce qu’elle vit et qui emballe sa sensibilité se prolonge et s’intensifie. Tous ses désirs sont comblés et elle baigne dans le bonheur »37.

En revanche, les personnes qui vivent une atonie de la sensibilité, par leur nature ou par refoulement, n’éprouvent qu’à un faible degré la puissance de leurs sensations ; elles ont beaucoup de mal à rejoindre leur être car elles sont bloquées dans la médiation même qui pourrait les aider.

En outre, la sensibilité peut être douloureuse, effervescente et excitée, ‘« et cela dans les deux registres: positif, et ce sera de l’euphorie, de l’enthousiasme, de l’emballement ou négatif, et ce sera de la colère, de la violence. Elle peut être paisible, ressentant les choses normalement et sans réactions disproportionnées »’ 38.

Dans ce cas elle dénote une personnalité saine et épanouie, qui sait être attentive à sa sensibilité sans la laisser guider ses comportements ni amplifier la réalité à cause de Réactions Disproportionnées et Répétitives (RDR) mal gérées.

Ces dernières sont les manifestations de blessures antérieures enkystées dans la sensibilité. Elles s’inscrivent généralement dans le passé de la personne : alors que celle-ci était enfant, elle n’a pas eu l’espace nécessaire ni la conscience suffisante pour exprimer sa douleur. Elle s’est protégée de diverses manières pour éviter d’avoir trop mal et sa blessure s’est tue, enregistrée cependant à jamais dans la sensibilité. Des kystes se sont formés, sortes de poches de souffrances prêtes à se réveiller au moindre incident présentant des analogies avec la situation douloureuse ressentie dans le temps de l’enfance. La personne vit alors une RDR : elle va réagir de manière excessive à une parole prononcée, un geste ou un comportement. Elle éprouve un sentiment démesuré de crainte, d’agressivité, d’inhibition, d’attachement soudain :

« Ces réactions ne sont pas à mettre sur le compte du tempérament, comme on le fait souvent. Elles sont le symptôme de kystes de souffrance enfouis dans la sensibilité et donc de blessures remontant très loin et s’originant parfois dans la vie utérine » 39 .

La sensibilité, par sa mémoire spécifique, est la porte d’entrée dans un chemin de croissance PRH. Elle donne des éléments, les sensations, pour exister pleinement et libérer toujours plus de vie en dégageant la personne des lourdeurs et des douleurs antérieures.

Toutefois, la sensibilité ‘« peut fonctionner normalement, avec des réactions proportionnées à ce qui la fait vibrer. Il n’y a pas de discordance entre le stimulus interne ou externe et la réponse de la sensibilité. En dehors de réactions plus fortes, légitimées par certaines circonstances particulières (deuil, licenciement, accident ou plus communément contrariétés, perte d’objets, difficultés relationnelles ...), la sensibilité est habituellement calme. C’est pourquoi on parle de fonctionnement ajusté ou de fonctionnement paisible (...). Pour être constant, ce type de fonctionnement suppose que l’être ait suffisamment émergé .Celui-ci équilibre alors les mouvements parfois exagérés de la sensibilité »’ 40.

La sensibilité tient une place particulière à PRH, puisque une de ses méthodes spécifiques d’introspection est l’analyse des sensations, toujours inscrites dans la sensibilité de la personne.

Enfin, sont mentionnées aussi sur le schéma la place de l’environnement humain et de l’environnement matériel, signes que ces éléments demeurent des données importantes, à prendre en compte nécessairement dans toute évolution individuelle, et dans toute prise de décision.

Cette exposition des différentes composantes du schéma de la personne nous permet ainsi d’entrer dans la logique pédagogique du fondateur. Le champ lexical propre à PRH est certes beaucoup plus étendu mais la description des cinq instances de la personne aide déjà à comprendre nombre de références évoquées dans le discours des utilisateurs de PRH. Nous tenterons le plus possible d’expliciter les autres expressions qui nous paraîtrons obscures au fur et à mesure de notre développement. Un glossaire plus exhaustif est d’ailleurs joint en annexe41, auquel nous renverrons parfois nos lecteurs.

Notes
36.

Note d’Observation, La Sensibilité, Poitiers, PRH, 1990, p. 1.

37.

Extrait de La Personne et sa Croissance, op. cit. p. 110-111.

38.

Ibid., p. 2.

39.

Note d’Observation, La Sensibilité, op. cit., p. 2.

40.

Extrait de La Personne et sa Croissance, op. cit. p. 109-110.

41.

Glossaire joint en annexe 1.