2. Les Valeurs D’un Milieu Populaire

Il grandit donc au sein de ce milieu populaire, conscient très tôt des problèmes sociaux qui s’y jouent, et des difficultés économiques propres aux classes ouvrières et rurales. Il s’entendait bien avec ses parents mais était particulièrement proche de sa mère. Nous verrons par la suite qu’André ROCHAIS valorisera dans son système explicatif les valeurs spécifiques de l’intériorité et de l’accueil, vertus toutes féminines et que PRH ressemblera en de nombreux points à une structure englobante et rassurante, de type maternel. Il s’entourera en outre d’une majorité de femmes, composant l’essentiel du tissu des formateurs comme du public PRH.

De caractère à la fois adaptable et déterminé, il dit n’avoir pas connu ‘« les traumatismes de l’enfance que je découvre chez beaucoup »’ 75. Il nous est difficile de vérifier ce postulat puisque nous disposons presque exclusivement de témoignages de disciples d’André ROCHAIS ; ceux-ci s’accordent de façon unanime à garantir la « santé psychologique » du fondateur (voire sa sainteté!). L’enquête que nous avons mené pour retrouver des témoins privilégiés du passé d’André ROCHAIS sans lien avec le réseau relationnel issu de PRH nous a conduit à rencontrer un seul témoin, le Frère Roger Texier, frère de Saint Gabriel tout comme ROCHAIS le fut, et professeur de philosophie à l’Université Catholique d’Angers. Nous comprendrons par la suite comment les circonstances du départ d’André ROCHAIS de cette congrégation enseignante l’auront conduit à couper les ponts avec ce milieu religieux spécifique, plutôt qu’à maintenir les liens. Cette rupture fait partie sans doute des raisons pour lesquelles il nous a été difficile de retrouver des personnes proches d’André ROCHAIS avant la fondation de PRH.

Toutefois les témoins de son passé ont été marqué par le caractère serein de son tempérament et par l’équilibre de sa personnalité. Ainsi, une personne ne souhaitant pas révéler son identité nous a confié ses impressions et une partie de son analyse de l’homme tel qu’il se vivait en relation :

«  Il était d’une grande intégrité et vivait une véritable ascèse personnelle. C’était un solitaire et un rural qui avait conscience de lui même et de sa mission spécifique tout en ayant du mal à accepter les critiques venant de l’extérieur. Il était sûr de lui et de ses intuitions. Ceci peut s’expliquer par le fait que le prophétisme, quel qu’il soit, ne supporte pas d’être régulé. Paradoxalement il était aussi un homme très simple et très humble, tout à fait capable de se remettre en question quant à ses propres comportements ».

De ces origines modestes, il gardera une grande simplicité : ‘« Auprès de lui, nul ne se sentait « petit » comme près de ceux que l’on admire et que l’on met au-dessus de soi »’ 76.

André ROCHAIS aurait pu faire sienne cette maxime de Kierkegaard : ‘« L’homme extraordinaire est le véritable homme ordinaire »’ 77.

C’est en effet dans un quotidien des plus banals qu’il a commencé à observer l’être humain et ses comportements. Toute sa vie il insistera sur l’importance de l’aspect vulgarisateur de PRH qu’il voudra accessible à tous afin de ‘« faire passer à l’homme de la rue, à l’homme ordinaire, toutes les richesses qu’il y a dans le monde de la psychologie »’ 78.

Nous retrouvons dans ce souci d’éduquer les plus simples et les plus pauvres, une des finalités même de la Congrégation enseignante des frères de Saint Gabriel, dans laquelle André ROCHAIS suivra l’essentiel de ses études, pour y devenir un brillant enseignant.

En effet, l’objectif de ces éducateurs chrétiens ‘« étaient (...) je crois de relayer les familles et de faire en sorte (...) d’accueillir les petits paysans de Vendée pour les faire passer(...) à un état de développement. (...) Les frères (...) peuvent se glorifier d’avoir fait passer les enfants de milieux modestes à un niveau social et professionnel « supérieur », une sorte de promotion sociale. (...)Les frères de Saint Gabriel ont injecté dans le tissu social (...) des vétérinaires, des clercs de notaires, des notaires...des artisans évolués, des paysans aussi, qui avaient appris la comptabilité, la machine à écrire »’ 79.

Partageant les mêmes origines ouvrières et rurales que la majorité de ses compagnons d’étude, et influencé par le type d’éducation reçue chez les frères, il n’est donc pas étonnant qu’André ROCHAIS ait eu par le suite le désir de s’adresser à du tout public et de créer un « outil » de formation répondant aux besoins concrets des gens simples, avant de fonder sa pratique sur une pensée construite et conceptuelle. La priorité sera toujours donnée à PRH à l’élaboration des méthodes, plus qu’à celles des argumentations théoriques, considérées comme secondaires par André ROCHAIS.

Ce dernier n’a quant à lui n’a pas honte de ses origines simples et rend hommage à ses parents qui s’aimaient et s’entendaient bien : ‘« de mon enfance et de mon milieu familial, je dois dire qu’il ne me reste que des souvenirs heureux. Je n’ai pas connu de difficultés relationnelles avec mon père ni avec ma mère... J’ai été aimé. Mon père et ma mère s’aimaient bien même s’il y avait parfois des nuages entre eux »’ 80.

Notes
75.

Cité par Michel LAMARCHE, in André ROCHAIS, fondateur de PRH, op. cit., p. 6.

76.

Claude ROUYER, in André ROCHAIS, fondateur de PRH, op. cit., p. 3.

77.

KIERKEGAARD, cité par MOUNIER, Le Personnalisme in Oeuvres Complètes, Tome III, Paris, Seuil, 1962, p. 471.

78.

Cité par Michel LAMARCHE, in André ROCHAIS, fondateur de PRH, op. cit., p. 6.

79.

Entretien avec Frère TEXIER, 8 avril 1997, Angers, p. 17 et 18.

80.

Cité par Marie-Thérèse SAVEY, in André ROCHAIS, fondateur de PRH, op. cit., p. 24.